Pas une généraliste qui n’ait une identité sonore singulière. L’objectif ? Être reconnaissable en quelques secondes, surtout avec une mesure d’audience déclarative. Tour d’horizon avec les chefs d’orchestre radiophoniques.
Les directeurs artistiques des radios cogitent déjà à la rentrée… même s’ils refusent de révéler les secrets qui infusent dans leurs laboratoires sonores. À eux d’imaginer l’identité sonore de l’antenne, qui devra, le plus rapidement possible, donner le la de la nouvelle grille. Une certitude ? Tous veulent de la modernité. « Elle sera présente dans les arrangements, pour refléter notre époque ; mâtinée de puissance, pour sentir qu’on est la première radio de France, de lisibilité et de joie, détaille Antoine Blin, délégué à l’antenne et à la production de podcasts de France Inter. L’ensemble doit être élégant. Et la gageure est d’avoir à la fois une unité sonore mais aussi une singularité pour chaque émission. » Un travail incessant : si la grille est installée depuis sept ans, Antoine Blin a revu tous les habillages en trois ans.
Être maître d'œuvre
Côté Europe 1, même appétence pour l’air du temps : « J’essaie d’être le plus séduisant possible en instaurant de la modernité. Je m’inspire de l’actualité musicale, en recherchant une certaine élégance et une harmonie pour l’ensemble de l’antenne » explique Xavier Jolly, directeur artistique d’Europe 1. Entre le sport, la politique, la culture, la musique, la station propose beaucoup d’entrées éditoriales différentes. Il faut créer une cohérence, en gardant une personnalité pour que chaque tranche corresponde à la station et à l’animateur ». 90 % de l’habillage d’antenne repose sur des compositions originales : « Être maître d’œuvre nous laisse une grande liberté en termes de droits » ajoute-t-il.
Sur RTL, Ghislain Thomas, directeur d’antenne et directeur digital de RTL, avoue chercher « un côté sérieux mais détendu car nous sommes une radio d’info avec de la chaleur. Nous travaillons à quelques ajustements d’habillages existants pour les relifter. Pour le reste, l’habillage, l’identité et la couleur de la rentrée dépendront des incarnants recrutés et des émissions proposées. La grille n’est pas encore finalisée ».
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Pour ses virgules sonores, RTL s’appuie sur des tubes du moment, de Clara Luciani à Orelsan. Ce qui tranche avec l’immuabilité de son top horaire, le plus connu de toutes les radios. Michel Legrand l’a écrit en 1964 : « J’avais fait mon thème qui faisait "pib pib pi ri ri", mais comme c’était un petit peu court une fois, la trompette faisait "pib pib pi ri ri" et le trombone répondait "ba ba ba ra ba". J’avais enregistré ça et c’est marrant parce que c’est devenu comme un drapeau, comme une espèce d’emblème », confiait le compositeur au micro de RTL en 2009. « Il est iconique et patrimonial, avec ses cuivres, renchérit Ghislain Thomas. Quand on arrive sur notre antenne et qu’on l’entend, on sait où l’on est ». Alors pas touche. Surtout pour un média dont l’audience est déclarative. « En vingt ans, on a juste ajouté un peu de cuivre sur la fin », affirme-t-il. Ces notes sont une boussole pour les auditeurs du 6h-9h de RTL, qui avouent rechercher, à 54 %, la fonction horloge du média.
Son de cloches
Sur Europe 1, on parle de carillon. « Parce qu’historiquement, c’est un son de cloches. C’est l’ADN sonore d’Europe 1, qui se perpétue depuis 1955. Comme un phare dans la nuit. On lui a juste ajouté un peu de rythmique et de modernité, explique Xavier Jolly. Mais on ne touche pas à la mélodie. En revanche, à la rentrée 2021, j’ai changé le comédien de notre couple de voix antenne. Barbara Gateau et Hervé Lacroix sont des trentenaires, souriants et dynamiques, qui reflètent notre image. Je n’ai changé que l’un des deux pour garder un lien avec la saison précédente. »
Compositeurs de jeux vidéo
Sur France Inter, où tout l’habillage est original, Antoine Blin travaille aussi avec des compositeurs de jeux vidéo comme Christophe Heral, qui œuvre pour Ubisoft. Pour une émission hebdomadaire, il compte deux mois entre l’idée et sa réalisation. Mais la révolution a eu lieu à la rentrée 2021 avec le changement du top horaire. Depuis vingt ans, c’était la même mélodie : « On n’arrivait plus à la moderniser », reconnaît Antoine Blin. Concevoir les huit nouvelles secondes a demandé huit mois de boulot. « France Inter avait fait sa mue, de la pop culture aux podcasts. Tout avait changé sauf notre signature, le cœur de notre identité sonore. On voulait une mélodie assez entraînante, qu’on puisse chanter », continue-t-il. Loïk Dury, le compositeur de la série Dix pour cent et des films de Cédric Klapisch, était à la manœuvre. S’y mêlent l’Orchestre philharmonique de Radio France précédent et des synthétiseurs. Les réactions n’ont pas tardé, par mail et au standard. « C’est toujours un moment de choc pour les auditeurs. Puis j’ai commencé à entendre ces notes sifflées dans les couloirs de Radio France. Et on a fini par ne plus en entendre parler », affirme Antoine Blin. Pari gagné, donc. Car les meilleures identités sonores se font oublier !
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