Le site Mediapart, qui arrive à un plateau en termes d’abonnés, multiplie les initiatives pour apparaître comme un acteur majeur de l’information politique.
« Le péril Le Pen : inventaire de ce qu’elle infligerait à la société », « Le programme présidentiel de Marine Le Pen foule aux pieds les droits fondamentaux »… Au lendemain du premier tour, Mediapart multiplie les articles pour dissuader de voter Marine Le Pen mais aussi, en creux, expliquer ce que signifie ne pas voter Macron. Le journal en ligne est d’autant plus audible auprès de ses 213 500 abonnés qu’il n’est pas un parti politique qui n’ait échappé à ses révélations. Le dernier en date, le PC, a eu pour candidat Fabien Roussel, soupçonné d’emploi fictif par le parquet national financier à la suite d’une enquête de Mediapart. Pas suffisant pour qualifier Mélenchon, mais assez pour attester que le média ne fait le jeu d’aucun bord politique.
« Nous avons aussi révélé le 22 mars l’extension de l’enquête judiciaire sur la France insoumise à une association au cœur de la campagne de 2017 de Jean-Luc Mélenchon, mise en examen pour escroquerie aggravée », signale Edwy Plenel, fondateur du site. De quoi susciter une vague de désabonnements en pleine campagne du candidat de la France insoumise ? « À chaque fois qu’on dérange telle ou telle famille politique, on a des messages sur les réseaux sociaux qui disent “on va se désabonner”, mais cela n’a jamais eu d’incidence. Les lecteurs se rendent bien compte que nos informations sont utiles et dérangeantes », ajoute-t-il.
Renouer avec la croissance. À l’occasion de cette campagne, Mediapart est toutefois confronté à un défi nouveau. Il s’agit de renouer avec la croissance de ses abonnements. Certes, la baisse est minime en 2021 (-2%) par rapport à une fin 2020 record, où le titre a dépassé les 218 000 abonnements. Surtout, elle n’a eu aucune incidence négative ni sur le chiffre d’affaires (21,3 millions d’euros en 2021 contre 20,4 en 2020), ni sur le résultat après impôt (4 millions) grâce à des hausses tarifaires dès 2020.
Mais au-delà de ses révélations, le journal veut apparaître comme un acteur central de la presse d’information politique. Avant la sortie du film Media Crash sur l’influence idéologique de la concentration des médias, une nouvelle formule est venue rendre le site plus accessible et lisible tout en donnant une sélection hebdomadaire via les newsletters « La Lettre présidentielle » et la « Lettre enquête ». L’idée est aussi de multiplier les reportages et les enquêtes, loin de la « course des petits chevaux » et en refusant les sondages. Côté vidéo, outre l’émission À l’air libre, du lundi au jeudi, et donnant lieu à des spéciales les 10 et 24 avril, #FaceàMediapart a invité les candidats à dialoguer (sauf Zemmour et Le Pen, en dehors de « l’arc républicain »). De véritables enquêtes vidéo sont aussi créées comme celle consacrée à cinq ans de manifestations.
Une nouvelle étape pour les 131 salariés de Mediapart, installés depuis mi-novembre 2021 avenue Ledru-Rollin, à Paris. La page fiscale semble aussi tournée puisque le site a accepté de renoncer à 1,4 million d’euros de pénalités, après l’échec, fin mars, de son recours en Conseil d’État, et après 3,3 millions d’euros de redressement fiscal pour s’être auto-appliqué le taux de TVA réduit de la presse (2,1%) entre 2008 et 2014.