Après Microsoft, assigné en justice vendredi 8 novembre pour l'utilisation d'articles sans autorisation sur Linkedin ou Bing par la presse régionale, c'est au tour de X d'être poursuivi par l'AFP et des groupes de presse nationale pour son refus de négocier des droits voisins.
Le ton monte entre les éditeurs de médias et X et Microsoft dans le dossier des droits voisins en France. Après une série d'assignations déposées vendredi pour « contrefaçon » contre Microsoft (Linkedin, Bing) par une cinquantaine d'éditeurs de presse, principalement régionaux (Ouest France, Ebra...), plusieurs autres journaux, dont Le Figaro, Le Monde et Le Parisien, ainsi que l'AFP, attaquent en justice le réseau social X (ex-Twitter), accusé d'utiliser leurs contenus sans payer. L'Agence France-Presse a assigné X au fond la semaine dernière, et une audience au tribunal judiciaire de Paris a été fixée au 15 mai 2025. L'autre action en cours, annoncée mardi 12 novembre dans un communiqué, est menée conjointement par Les Échos-Le Parisien, le groupe Le Monde et Le Figaro. Ils poursuivent le réseau social, propriété d'Elon Musk, devant le tribunal judiciaire de Paris.
Avant cette action sur le fond, ces journaux, ainsi que l'AFP, avaient assigné X et sa filiale française en référé (une procédure d'urgence), en lui reprochant de ne pas vouloir négocier. Le 24 mai, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris leur avait donné raison. Il avait ordonné au réseau social de leur fournir, dans un délai de deux mois, une série de données commerciales permettant d'évaluer les revenus qu'il tire de leurs contenus. X/Twitter « ne s'est (...) pas conformé » à cette décision jusqu'à présent, « démontrant ainsi sa volonté invariable de se soustraire à ses obligations légales », ont dénoncé les éditeurs de presse pour justifier leur nouvelle action en justice.
« Obligation de transmission de données »
Microsoft est également poursuivi devant le Tribunal judiciaire par une série d'assignations. « Ces démarches visent à obtenir qu'un acteur majeur du numérique, qui utilise depuis près de cinq ans des millions de contenus de presse sans autorisation, se conforme enfin » à la loi, selon un communiqué de l'Apig, l'Alliance pour la presse d'information générale, vendredi 8 novembre. Au total, plusieurs millions d'euros sont réclamés par des groupes de presse.
D'après cette alliance de la presse généraliste, « malgré des demandes réitérées des éditeurs en ce sens depuis plusieurs années », Microsoft, son réseau social professionnel LinkedIn et son moteur de recherche Bing se dérobent à « l'obligation de transmission de données, indispensable à une négociation de bonne foi » sur la rémunération de ces droits voisins.
Dans ce dossier, des accords-cadres avaient été signés en octobre 2021 avec Meta, propriétaire de Facebook, et en mars 2022 avec Google, au terme d'une longue bataille. Ils ont permis aux médias membres de l'Apig de négocier chacun directement avec les plateformes.
Les droits voisins du droit d'auteur ont été institués pour les plateformes numériques par une directive européenne de 2019. Ils permettent aux journaux, magazines ou agences de presse de se faire rémunérer lorsque leurs contenus sont réutilisés par les géants du numérique.
Intelligence artificielle
Ce dossier au long cours des droits voisins empoisonne les relations entre la presse française et les géants d'internet depuis cinq ans. Il avait toutefois connu une accalmie en 2021: au terme d'une âpre bataille, des accords avaient été signés à partir d'octobre 2021 avec Meta, propriétaire de Facebook, et de mars 2022 avec Google. Certains étaient des accords-cadres conclus avec des groupements collectifs de journaux, dont les membres ont ensuite pu négocier chacun directement avec les plateformes. D'autres étaient des accords individuels. Les accords-cadres sont actuellement en cours de renégociation.
Mais en mars dernier, le dossier a de nouveau pris un tour conflictuel: l'Autorité de la concurrence a infligé une amende de 250 millions d'euros à Google, en lui reprochant de ne pas avoir respecté certains des engagements pris en 2022. « Au contraire de Google et Meta, X/Twitter n'a (...) jamais accepté d'ouvrir une négociation avec les éditeurs de presse français afin de respecter le cadre légal sur le droit d'auteur et les droits voisins, et ce en dépit de plusieurs mois de démarches puis de relances amiables », ont souligné les journaux qui poursuivent X.
Alors que le dossier des droits voisins n'est même pas encore définitivement réglé, les médias font face à un nouveau défi pour la rémunération de leurs contenus, avec la montée en puissance des programmes d'intelligence artificielle (IA). En septembre, OpenAI, le développeur de ChatGPT, a ainsi refusé des négociations groupées avec deux organismes de la presse française pour utiliser de manière payante les contenus des 800 titres qu'ils représentent.