À l’occasion de leur troisième conférence annuelle, Les Relocalisateurs ont commandé aux économistes Bruno Coquet et Éric Heyer une étude sur l’impact économique de la part croissante de la publicité digitale. Plus de 10 000 emplois pourraient, selon eux, être créés.
Et si les recettes publicitaires ne continuaient pas à gonfler les poches des géants du net (Alphabet, Meta et Amazon) ? C’est l’utopie qui sous-tend l’étude qu’a commandée l’association Les Relocalisateurs aux économistes Éric Heyer et Bruno Coquet avec UNO Études & Conseil et AixEco. Ce dernier, lors de sa présentation à la conférence annuelle qui s’est tenue à la Maison de la Radio, le 6 novembre, n’y est pas allé par quatre chemins : « La valeur économique du marché publicitaire mondial a fortement chuté dans le monde et en France, perdant 40 % de sa valeur en dix ans au début des années 2000. » Les recettes publicitaires globales ont progressé moins vite que le PIB jusqu’au milieu des années 2010, avant de se stabiliser. En 2000, le marché publicitaire français pesait 1 % du PIB contre 0,61 % cette année en France, et 0,81 % en 2023 dans le monde.
Aujourd’hui, les géants du net dominent ce marché global en captant plus de 40 % des revenus publicitaires. De quoi déstabiliser le secteur en France et dans la plupart des pays industrialisé. « Plus ces entreprises prennent de poids, plus elles réduisent le PIB de pays comme la France, tout en laissant peu de traces dans les comptes nationaux en raison de leur optimisation comptable, si bien que, de ce point de vue, les performances des géants du net ne bénéficient que très peu à l’économie du pays », assurent les deux économistes dans leur rapport de 60 pages disponible auprès de l’association qui compte désormais FranceTV Publicité, JCDecaux, 366, Radio France Publicité, CMI Media, RMC BFM ADS, France Pub, NRJ Global et Région, Mediaposte, Dentsu France, Publicis Media, CoSpirit Groupe et Cityzmedia.
Cette poussée du digital amène à une fragilisation des médias historiques, notamment la presse et la radio en France. Avec des recettes publicitaires en berne, ces producteurs de contenus, principalement dans les domaines de l’information et du divertissement, que sont les médias, se voient contraints d’éroder leur offre et ainsi, le pluralisme démocratique. Plus largement, c’est l’activité économique globale du pays qui est aussi affaiblie, des emplois aux recettes fiscales et sociales. Les deux économistes ont modélisé cinq scenarii possibles, depuis la projection la plus pessimiste, avec une montée en puissance des géants du net, jusqu’à la plus positive avec une contention voire un repli de leur poids dans le secteur.
Le scénario le plus noir craint la disparition de 83 500 emplois, et un scénario médian table encore sur 3 500 emplois perdus en suivant les prévisions imaginées pour 2030 par l’Arcom et la DGMIC - les géants numériques allant jusqu’à capter les deux tiers des recettes publicitaires. Mais une perspective optimiste de reconquête s’ouvrirait en cas de relocalisation des revenus avec la création de 10 000 emplois. Un scénario analytique monte même à 12 400 emplois créés. Un message clair pour les agences, les annonceurs et les marques afin de les inciter à tempérer leurs investissements en faveur des plateformes et à prendre conscience des conséquences cruciales de leurs choix pour le secteur.