L’annonce d’Emmanuel Macron de supprimer la redevance laisse entrevoir la volonté du président-candidat d’en finir avec une taxe affectée. Les scenarios de remplacement.
« La honte de la République » : c’est ainsi que l’économiste Julia Cagé a accueilli dans Libé la volonté du président-candidat de supprimer la redevance. Une allusion bien sûr à la diatribe d’Emmanuel Macron en 2017, mais aussi une mise en garde : « les pays où l’audiovisuel public est mieux financé ont une démocratie de meilleure qualité », dit-elle. La prof à Sciences Po pointe une « menace d’assujettissement » et propose de maintenir une taxe affectée tout en remplaçant la redevance par un prélèvement de 0,25% sur les revenus, ce qui permettrait de lever les 3,8 milliards d’euros nécessaires (dont 600 millions apportés par l’Etat en remboursement des exonérations pour les foyers modestes). Avantage : un gain de pouvoir d’achat pour les revenus inférieurs à 4500 euros par mois. « On peut aussi imaginer un taux de 0% en dessous de 2000 euros, de 0,2% de 2000 à 5000 euros… », ajoute-t-elle.
De fait, il y a une injustice inhérente à la redevance : elle est de 138 euros pour tout le monde, et c’est précisément parce qu’elle affecte des classes moyennes que les gouvernements rechignent à l’augmenter depuis 2019. La fin de son alignement sur la taxe d’habitation, en 2023, rend indispensable la création d’un mécanisme contributif nouveau, qui permettrait notamment d’élargir l’assiette de prélèvement au-delà des seuls possesseurs de téléviseurs.
C’est « l’universalisation » chère à de nombreux députés de la Commission de la culture de l’Assemblée. Céline Calvez, députée LREM, suggère une « loi de programmation pluriannuelle » sur cinq ans, comme il en existe pour la recherche ou la défense. Avantage : cela permettrait « d’aligner les moyens et les missions » en supprimant les contrats d’objectifs et de moyens, indique-t-elle à Stratégies. Un mix d’indexation progressive sur les revenus et d’affectation, comme en Norvège et en Finlande, est aussi possible
A la différence de Bercy, qui milite depuis longtemps pour un basculement dans le budget général, Aurore Bergé, présidente déléguée du groupe LREM à l’Assemblée, ne cache pas sa préférence pour une taxe affectée. « Il faut garantir le niveau de ressources, confie-t-elle, c’est un enjeu de financement, de soutien à la création et d’irrigation des territoires ». Delphine Ernotte, la PDG de France Télévisions, ne dit-elle pas que chaque euro de redevance a « un effet démultiplicateur de 2,40 euros dans l’économie française » ?
Pour la députée, cette refonte est l’occasion d’avoir un « Etat stratège qui définisse des objectifs de politique publique ». Avec une vision pluriannuelle à cinq ans, cela permettrait de favoriser les coopérations entre sociétés, d’assurer le niveau d’activité numérique ou de mieux orchestrer la commande publique en animation par exemple, sachant qu’entre le préachat et la chronologie des médias, il y a parfois 4 à 5 ans. Seul l’éditorial y échapperait.
Mais comment garantir un niveau de ressources ? Certains députés et le ministère de la culture plaident pour une « quote-part de TVA ». Cela aurait l’avantage de flécher la dépense budgétaire vers l’audiovisuel public, sans la soumettre aux aléas des lois de finance, mais de façon uniforme. Donc injuste.