Temps de parole aux européennes, remise en jeu de la fréquence de CNews, affaire Guillaume Meurice… L'Arcom, régulateur de l'audiovisuel, est confronté à plusieurs dossiers sensibles.
Premier dossier sensible pour le régulateur de l’audiovisuel : les élections et le cas Macron. Les oppositions ont saisi l'Arcom pour protester contre l'interview du président de la République jeudi au 20h de TF1 et France 2, pour l'anniversaire du Débarquement. A trois jours des européennes, elles y voient un soutien à la liste conduite par la candidate macroniste Valérie Hayer. Le régulateur a répondu mardi 4 juin en appelant les chaînes au « strict respect des règles » des temps de parole. Les déclarations du président en période d'élections sont en effet régies par des règles particulières.
Elles stipulent que ces interventions qui « relèvent du débat politique lié aux élections, notamment celles qui comportent l'expression d'un soutien envers un candidat ou une liste de candidats », doivent être comptabilisées comme du temps de parole lié au scrutin. Jeudi, « tout ou partie des propos » d’Emmanuel Macron pourra donc « être pris en compte » dans le temps de parole de la liste Hayer, a rappelé l'Arcom. Auquel cas les autres listes devront bénéficier en contrepartie d'« un accès équitable » aux antennes. Fin avril, l'Arcom avait estimé qu'un discours du Président à la Sorbonne devait être décompté dans son intégralité comme du temps de parole pour son camp.
Tension palpable
Plus généralement, les règles sur le temps de parole s'appliquent depuis le 15 avril. Les télés et radios décomptent ces temps pour les candidats et leurs soutiens, et les transmettent à l'Arcom pour contrôle. Elles sont tenues d'assurer un « accès équitable à l'antenne » entre les listes. Mais équité ne veut pas dire égalité : le temps d'antenne de chaque liste dépend de ses résultats aux précédentes élections, des sondages ou de sa capacité à « animer la campagne » (via par exemple des réunions publiques). « Il y a une grosse tension », soupire un cadre de l'audiovisuel, qui décrit une « fébrilité » dans l'exécutif comme dans les états-majors des chaînes avant cette élection dont le RN de Jordan Bardella est donné grand favori.
Autre dossier chaud : l'Arcom vient de remettre en jeu 15 fréquences de la télévision numérique terrestre (TNT) - un record - qui arrivent à échéance en 2025, dont celles de C8 et CNews. Ces deux chaînes du groupe Canal+, dans le giron du milliardaire Vincent Bolloré, sont les plus scrutées car elles sont régulièrement épinglées par le régulateur pour des propos tenus sur leurs antennes.
Leurs dirigeants s'en sont expliqués en début d'année devant la commission d'enquête parlementaire sur la TNT. Ils seront auditionnés par l'Arcom début juillet, comme les autres prétendants, pour demander le renouvellement de leur fréquence. Le verdict tombera fin juillet. L'Arcom est attendue au tournant. Saisi par Reporters sans frontières du cas de CNews, le Conseil d'Etat a sommé en février l'autorité de muscler son contrôle du pluralisme des chaînes. Un dispositif renforcé doit être présenté sous peu.
Propos polémiques
L’Arcom doit également affronter l'affaire Meurice, même si elle n'aura plus à statuer dessus. L'humoriste de France Inter attend de son employeur, Radio France, une sanction qui pourrait aller jusqu'au licenciement pour avoir répété fin avril ses propos polémiques sur le Premier ministre israélien tenus fin octobre. Il l'avait comparé à une « sorte de nazi mais sans prépuce », ce qui lui avait valu des accusations d'antisémitisme et une plainte, classée sans suite. Face aux critiques, la ministre de la Culture Rachida Dati a directement lié cette nouvelle procédure à une décision de l'Arcom à l'automne.
Après de nombreuses saisines, l'autorité indépendante avait adressé une mise en garde à Radio France, en estimant que « les risques de répercussions (des propos litigieux, ndlr) sur la cohésion de notre société ne pouvaient être ignorés ». Après ce premier avertissement, Radio France n'avait « pas d'autre choix » que de convoquer Guillaume Meurice à nouveau, a fait valoir Rachida Dati.
Nomination cruciale
Ultime casse-tête pour l’Arcom, et pas des moindres : le cas de l'audiovisuel public, avec une question en suspens. L'Arcom va-t-elle nommer le super PDG de tout l'audiovisuel public ? C'est ce que prévoit le projet de holding puis de fusion de la ministre de la Culture, qui doit être examiné par l'Assemblée nationale le 24 juin. L'Arcom, dont le directeur général Guillaume Blanchot vient de quitter ses fonctions et est remplacé par Alban de Nervaux, devra définir « une procédure de nomination transparente, ouverte, effective et non discriminatoire » pour ce mandat de cinq ans.
Ce sont les neuf membres du collège de l'Arcom qui doivent se prononcer - le président nommé par le chef de l'Etat, les autres membres par quatre autres autorités. Ce processus doit garantir l'indépendance de l'audiovisuel public. Le régulateur nomme déjà les PDG de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde (RFI, France 24).