À l’approche des Jeux de Paris, les médias se dotent d’équipes de consultants pour commenter les épreuves et partager leur passion avec le public. Parmi eux, beaucoup d’anciens athlètes reconvertis en experts du petit écran. Un article également disponible en version audio.

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Pas d’émission sportive sans consultant. Les athlètes les plus médiatiques y trouvent une possibilité de reconversion post-carrière sportive. En prévision des Jeux olympiques et paralympiques, les grands médias sportifs audiovisuels se sont constitué une team de consultants. Les plus grands noms du sport français sont convoqués : Marie-José Pérec ou Tony Parker pour France Télévisions, Christine Arron ou Alain Bernard pour Eurosport, Marion Bartoli ou David Douillet pour RMC. On compte aussi d’anciens athlètes moins connus qui vont commenter des sports moins médiatiques comme l’aviron, le triathlon, le taekwondo ainsi que les nouvelles disciplines, comme le breaking ou l’escalade.

Critères de sélection

Comment sont choisis les consultants ? Leur parcours sportif et leur notoriété médiatique sont-ils des critères qui permettent de garantir à la fois une expertise technique, une parfaite connaissance des coulisses du haut niveau et une attractivité en termes d’audience ? Mais il y a aussi un petit plus qui fait la différence. « Soit vous parlez bien, soit vous passez bien à la télévision, soit vous avez une grande gueule », résume Marion Bartoli, consultante pour les JO sur RMC Sport et animatrice de Bartoli Time, connue pour son franc-parler. Pourtant, « il n’est jamais évident d’être pertinent en fin de match », complète l’ancien joueur de l’OM Éric di Meco, consultant pour l’émission de RMC Super Moscato Show depuis 2007. « On a tous vécu cette situation où l’on nous tend un micro et où l’on a du mal à réagir de façon pertinente à chaud. »

Le recrutement d’un consultant intervient en général juste après sa carrière sportive, mais aussi parfois lors d’une pause dans celle-ci. Ça a été le cas pour l’escrimeuse Astrid Guyart, blessée au genou en 2018, sollicitée par Eurosport. « C’était pour moi l’occasion de continuer à faire partie de l’aventure », explique la médaillée olympique, désormais consultante pour France Télévisions. Et parfois, la sollicitation médiatique arrive sur le tard, comme pour Éric di Meco. Retraité du gazon, celui qui est alors adjoint aux sports à la mairie de Marseille prend régulièrement son téléphone pour défendre sa ville à la radio. C’est à la suite de l’une de ses prises de parole que Vincent Moscato lui propose d’intégrer son émission de radio sur RMC.

Dans la tête d'un champion

Souvent en duo avec un journaliste, comment ces anciens sportifs voient-ils leur rôle de consultant ? « Notre rôle, c’est d’essayer d’apporter une expertise technique, de la façon la plus simple possible », explique Matthieu Dutray, ancien entraîneur de l’équipe de France d’escalade, qui devra expliquer les spécificités de cette nouvelle discipline olympique sur Eurosport. Mais les antennes attendent bien plus des anciens athlètes. « Le consultant permet au public de comprendre ce qui se passe dans la tête d’un champion. Il analyse le moindre détail que l’on voit et surtout ce que l’on ne voit pas à l’écran », raconte Brahim Asloum, champion du monde de boxe et médaillé olympique à Sydney, consultant sur France Télévisions. « L’apport d’un ancien compétiteur, c’est de pouvoir se mettre à la place d’un athlète et d’essayer d’analyser ses réactions en fonction de ses réussites ou de ses échecs », complète Shani Bru, championne de France et vice-championne d’Europe de skateboard, consultante pour Eurosport. « Connaître le parcours d’un athlète et ce que cela représente, cela nous aide à avoir du recul sur les performances et surtout les variations de performance, poursuit Marion Bartoli. Les hauts et les bas, je les ai connus. C’est pourquoi j’essaye d’avoir beaucoup d’empathie. »

Le consultant sportif est aussi là pour partager son émotion. « Notre rôle, c’est faire vivre au public le moment présent, de l’emballer, de créer de l’émotion », détaille Brahim Asloum. « Un bon consultant doit apporter non seulement une expertise sur les enjeux, les difficultés techniques ou les barrières mentales, mais aussi un surplus d’émotion », poursuit-il. « C’est tout d’abord un exercice pédagogique mais où l’on véhicule beaucoup d’émotion. Le consultant doit être capable d’aller à la fois sur le terrain de l’expertise sportive et celui de l’émotion parce que nous avons vécu ces situations dans notre chair, dans notre tête et dans notre cœur », renchérit Astrid Guyart. L’ancien sportif doit donc s’exprimer à l’antenne autant avec sa tête qu’avec ses tripes. « Ce que l’on demande à un consultant, c’est d’avoir un avis tranché », complète Éric du Meco.

De l'autre côté du micro

Comment passe-t-on du terrain de sport aux plateaux télé ? Les athlètes sont-ils coachés à la prise de parole ? Aucun des sportifs interrogés n’a eu besoin de séance de préparation. « En tant que sportif sur le devant de la scène, on a tout de même l’habitude d’être régulièrement face à un micro », rappelle Éric di Meco. Passer de l’autre côté du micro se fait donc assez facilement. Matthieu Dutray raconte tout de même avoir contacté des amis travaillant dans les médias pour avoir quelques conseils pratiques. Astrid Guyart, elle, a bénéficié de ce simple conseil de son grand frère, Brice, double médaille d’or en escrime et qui l’avait précédé comme consultant TV : « Vas-y comme tu es, tu sauras faire ! » Une façon de lui rappeler sa légitimité et de la rassurer.

Ensuite, tout est affaire de préparation. « Je travaille beaucoup en amont de chaque émission. C’est comme pour une compétition, j’essaye de délivrer la meilleure performance à chaque fois », explique Marion Bartoli. « Et, vraisemblablement, je me suis améliorée. Comme dans le sport, plus on pratique, plus on s’améliore », sourit-elle. Et qu’est-ce que ça fait à un ancien champion, a fortiori un ancien médaillé olympique, de passer de l’autre côté de la barrière à l’occasion de Paris 2024 ? « Quand vous n’avez pas la chance de participer à ces Jeux qui se déroulent à domicile, ce qui s’en rapproche le plus, c’est d’être sur place derrière un micro et de faire vivre l’instant présent aux Français », se réjouit Brahim Asloum.