Comment conjuguer pluralisme des médias dans les territoires et évolution des usages vers des bulles informationnelles ? L’association Les Relocalisateurs a questionné des responsables du secteur à ce sujet.
Pas de démocratie et de liberté d’expression sans pluralisme des médias, notamment au cœur des territoires. L’association Les Relocalisateurs, créée en 2021, s’active dans ce sens. Sa mission ? « Promouvoir la relocalisation des achats média afin d’accélérer le développement économique et social de nos territoires et préserver une diversité médias, source de démocratie ». Une quinzaine des plus gros acteurs du secteur dont Publicis Media, CMI France, 366, Radio France Publicité ont rallié ce mouvement. Le 8 février, les Relocalisateurs ont invité huit responsables de ces structures à échanger sur « La diversité médias, composante essentielle de la vitalité démocratique ! ».
Car si des informations sourcées et vérifiés sont essentielles à notre vitalité républicaine, l’évolution des usages numériques, en particulier sur les réseaux sociaux, tend à enfermer les utilisateurs dans des contenus ciblés sur leurs centres d’intérêt et leurs opinions, sans confrontation avec des points de vue divers. Comment échapper à ces bulles de filtre ? Seul le travail des médias professionnels peut y aider mais il a un coût. Et les recettes publicitaires sont de plus en plus captées par les Gafa. Elles seront à 65 % entre les mains des acteurs du numérique en 2030, contre 52 % en 2022, selon une étude PMP Strategy pour l’Arcom et le ministère de la Culture. Nathalie Sonnac, professeure à Panthéon-Assas, l’a souligné : « Les Gafa sont le point d’accès à l’information et en position dominante sur le marché de la publicité en ligne. Ces acteurs ne font que faire circuler l’information par des activités de curations et nourrissent une infobésité ». Selon elle, deux mesures s’imposent : modifier la réglementation et notamment le dispositif anti-concentration qui ne prend pas en compte le digital et donner des outils de compréhension de la fabrique de l’information.
Comme l’a rappelé Alexis Goujon, directeur général des Relocalisateurs, 16 % des 12-24 ans pensent que la Terre est plate et 28 % quand ils sont aussi utilisateurs de TikTok. Étendre le pass Culture aux abonnements de presse écrite a aussi été énoncé comme la mise en place d’un crédit d’impôt pour favoriser l’investissement dans les médias d’information. Sophie Renaud, directrice des études de 366, a rappelé le poids des journalistes de la PQR : un tiers de cartes de presse en France et 250 éditions. « Pour lutter contre les déserts médiatiques et la désinformation, le groupe Ebra a décidé d’offrir aux jeunes de 18 à 25 ans un abonnement numérique gracieux », a-t-elle rappelé.
Pour maintenir cette diversité des médias de proximité, il faut aussi que les investissements publicitaires suivent. Une nécessité qu’a évoquée Julie Humeau, directrice des médias et des études de marché chez Dentsu : « Plus qu’une réponse, c’est une mission que l’on a, dans les propositions que l’on fait aux annonceurs, de favoriser des investissements plurimédias pour soutenir aussi, y compris sur le digital, une partie des éditeurs français ». Les Relocalisateurs ont d’ailleurs lancé le chantier d’une vaste étude à destination du marché pour souligner le lien d’interdépendance entre richesse du paysage médiatique local et vitalité démocratique.