Considérées comme de la publicité trop voyante dans la ville par les élus écologistes, les toiles de chantier sont menacées par le futur règlement local de publicité.
Anne Hidalgo, la maire de Paris, a annoncé le 16 novembre, au Conseil de Paris, sa volonté de sortir de la publicité « marchande » dans les trois ans, avant la fin de son mandat, tout en rejetant un vœu du groupe écologiste demandant un bannissement immédiat de l’espace public parisien. Alors qu’elle s’apprête à revoir le règlement local de publicité (RLP) à l’approche de la fin du contrat de Clear Channel sur le mobilier urbain, en septembre 2024, la ville va donc passer au peigne fin ses emplacements publicitaires et la nature des messages qui y sont diffusés. Début novembre, une polémique a éclaté à propos d’un futur palace de Louis Vuitton, au 103 avenue des Champs-Élysées, qui était considéré comme une publicité géante par des élus écologistes. Motif : la toile qui couvre le chantier de restauration a la forme d’une malle en 3D siglée LV.
« Ce n’est pas une publicité mais un décor », précise Olivier Girardot, directeur général et associé de Terres rouges, qui détient 70 % de part de marché sur les habillages de chantier et à qui l’on doit aussi des opérations sur des édifices de Chanel, Dior ou Saint Laurent. L’homme parle non pas de bâches mais de « scénographies urbaines » en soulignant qu’il passe alors par les équipes de la marque et non par l’achat d’espace. La signature est en ce cas selon lui « assez discrète », à la différence des chantiers de restauration pour les monuments historiques ou nationaux où la marque, payant assez cher le loyer de l’emplacement, a tendance à « mettre quelque chose d’un peu plus voyant ». Dans tous les cas, sa communication est alors limitée à 50 % de la surface par le code du patrimoine de 2007.
Toutefois, la Ville aura bien du mal à se passer de la manne des bâches couvrant les monuments, qui se chiffre à une vingtaine de millions d’euros par an. L’Opéra ou la Madeleine représentent chacun des chantiers financés à plus de 4 millions d’euros, soit « une part très substantielle » du coût des travaux. Cela peut même aller jusqu’à 80 % selon Jeanne d’Hauteserre, conseillère de Paris (LR). La maire elle-même a laissé entendre qu’il pourrait y avoir un traitement à part pour des « sujets très spécifiques » comme les bâches à l’occasion de la rénovation des bâtiments nationaux où il y a déjà un contrôle strict. « C’est une bonne contrepartie de la publicité puisqu’il s’agit de financer quelque chose d’utile », souligne Stéphane Dottelonde, président de l’Union de la publicité extérieure, « et il n’y a pas de préjudice : les bâches masquent les échafaudages, pas les monuments historiques ». Le gouvernement souhaite d’ailleurs étendre le dispositif aux « immeubles à usage culturel ».
Reste que les bâches de chantiers privés risquent de subir le même sort qu’à Lyon, où elles ont été interdites à l’occasion d’un nouveau RLP adopté le 26 juin dernier. « Si on veut éviter que les impôts fonciers ne doublent, il va falloir faire entrer un peu d’argent », plaide Olivier Girardot, qui appelle à « se mettre autour d’une table » pour dégager des « pistes d’amélioration ». Pour lui, « le gros sujet, ce sont les écrans derrière les vitrines et les panneaux ». Pas la « scénographie » qui utilise déjà des toiles sans PVC, des encres sans polluants et s’arrête à minuit au plus tard.