En rachètant les parts que Daniel Kretinsky détenait dans le groupe Le Monde, le milliardaire renforce encore un peu plus sa place dans le paysage médiatique français.
Le milliardaire Xavier Niel renforce sa position au capital du groupe Le Monde en rachetant, avec l'assentiment des salariés, la part détenue par l'homme d'affaires tchèque Daniel Kretinsky, qui va se concentrer sur d'autres médias. Au terme de cette opération, de près de 50 millions d'euros, selon le Financial Times, le groupe Le Monde (le journal Le Monde, Télérama, Courrier International...) sera pour l'essentiel détenu par le milliardaire des télécoms, via le Fonds pour l'indépendance de la presse qu'il a créé en 2021 et qui rend statutairement incessible son capital, et par le « pôle d'indépendance », qui regroupe notamment la société des rédacteurs et la société des lecteurs du Monde.
L'opération a été approuvée par ce pôle d'indépendance, comme le prévoient les statuts du groupe destinés à séparer le contrôle capitalistique et éditorial. Le feu vert a même été donné « à l'unanimité » : les rédactions du Monde sont d'autant plus satisfaites que « la confiance n'avait jamais été établie » avec Daniel Kretinsky, 48 ans, a expliqué à l'AFP une source proche du pôle d'indépendance.
L'homme d'affaires tchèque était entré au capital en 2018 sans solliciter son agrément, en rachetant des parts d'un autre homme d'affaires, Matthieu Pigasse. Cet épisode avait fait suite à la recapitalisation houleuse du groupe en 2010 par un trio formé par Xavier Niel, Matthieu Pigasse et Pierre Bergé.
A terme, Xavier Niel, 56 ans, devrait « logiquement » récupérer les parts restantes de Pierre Bergé (sur lesquelles un contentieux est en cours avec son héritier), celles de Matthieu Pigasse, qui a prévu de continuer à se désengager, ainsi que la part du groupe de médias espagnol Prisa, selon cette source.
Inquiétudes sur l'indépendance de la presse
Outre le groupe Le Monde, Xavier Niel (6,3 milliards de dollars de fortune, soit 5,9 milliards d'euros) est actionnaire de Nice-Matin, France-Antilles ou de Paris-Turf. Il a financé la création du média économique d'investigation en ligne L'Informé. L'homme d'affaires renforce ainsi sa place dans un paysage médiatique français marqué ces dernières années par de nombreuses opérations de concentration.
Leur succession a suscité des inquiétudes sur l'indépendance de la presse, l'un des sujets sur lesquels devraient se pencher les Etats généraux de l'information, qui seront lancés début octobre.
De son côté, Daniel Kretinsky n'a pas l'intention de se retirer du jeu médiatique tricolore, où il a multiplié les investissements. Sa holding a précisé qu'il « continuera à soutenir des titres français et à garantir leur indépendance en tant qu'actionnaire » par exemple chez Elle, Marianne ou la revue Franc-Tireur, « ou en tant que prêteur » pour le quotidien Libération, qu'il a renfloué à hauteur de 15 millions d'euros.
Opposés sur le sauvetage de Casino
« A l'heure de grands changements capitalistiques dans la presse française, nous souhaitons apporter les moyens nécessaires aux titres qui en ont besoin et que nous soutenons dans leurs projets de développement, tout en respectant absolument et pleinement leur liberté éditoriale », a souligné sa holding. « La vocation de Daniel Kretinsky est d'aider des médias qui en ont besoin et qui le veulent bien », a expliqué l'un de ses proches à l'AFP, soulignant que la rédaction de Libération, contrairement à celle du Monde, n'avait « pas d'hostilité » envers lui.
Daniel Kretinsky, 48 ans et dont la fortune s'élève à 9,2 milliards de dollars (environ 8,6 milliards d'euros) selon Forbes, a commencé à investir en France en 2018. Outre les médias, il détient des participations dans la distribution (Fnac Darty) et l'industrie (essentiellement dans l'énergie).
Co-actionnaires jusqu'à présent du groupe Le Monde, Xavier Niel et Daniel Kretinsky se séparent après s'être opposés comme candidats au sauvetage du distributeur Casino, en grande difficulté. Le Tchèque a finalement emporté le morceau cet été, avec des alliés. « Le dossier Casino n'est pas la cause » de son départ du Monde, « même si cela n'a pas aidé », a confié son entourage à l'AFP, assurant que « les relations sont courtoises ».