Images spectaculaires, exposition de décors « cartes postales », coup de projecteur d’au minimum plusieurs heures… Les communes traversées par le Tour de France ont tout à gagner de la médiatisation de l’événement. Témoignages.
Troisième événement le plus médiatisé au monde après les Jeux olympiques d’été et la Coupe du monde de football, le Tour de France, qui s’achèvera dimanche 23 juillet à Paris, mobilise une trentaine de diffuseurs officiels dans près de 200 pays, dont France Télévisions. C’est dire à quel point, pour les partenaires associés dont les villes-étapes, la caisse de résonance est immense. « Pour nous, l’aspect principal de la candidature, c’est l’image, expose Jean-Christophe Vidoni, adjoint aux sports, événements et domaine skiable à Courchevel, qui sera ville arrivée le 19 juillet. Nous voulons montrer nos équipements et notre capacité à organiser des compétitions. Pour cela, c’est notre stratégie d’être présents sur de grands événements : JO en 1992, championnats du monde de ski alpin avec Méribel en 2023… ».
En termes d’image, en effet, aucune campagne de communication ne peut égaler le Tour, outil de notoriété voire de prestige sans équivalent - tout le monde a en tête l’arrivée sur les Champs-Élysées. « Cela se vérifie à tel point que nous sommes presque plus connus sur le vélo que sur l’hiver », constate François Badjily, directeur de l’Office de Tourisme de l’Alpe d’Huez, qui évoque un « effet loupe +++ » de la course organisée par Amaury Sport Organisation (ASO). Étape mythique de la Grande Boucle, la station de sport d’hiver a fêté en 2022 les 70 ans du premier passage du Tour.
De son côté, Saint-Léonard-de-Noblat, près de Limoges, capitalise sur le mythe Poulidor. Le fameux « éternel second » y a habité et le Tour de France, venu en 2016 pour les 80 ans du champion, permet de le remettre en avant. « C’est une épreuve sportive mais aussi un moment de communication très fort, par exemple, nous sommes reconnus site patrimonial remarquable, labellisés Ville et métiers d’art », explique Alain Darbon, maire de la commune également traversée en 2020, ville-étape en 2004 puis en 2023. L’enjeu, pour les villes, est de donner envie au public de venir y séjourner, découvrir leur environnement, profiter de leurs activités. Une vitrine pour séduire les futurs vacanciers, y compris venant de très loin puisque, par exemple, des tour-opérateurs australiens ou brésiliens proposent des voyages organisés sur le parcours. « Le Tour de France devrait être financé à 100 % par le ministère du Tourisme », sourit Jean-Christophe Vidoni.
Double publicité
Au-delà, certains communiquent autour d’axes bien précis. C’est le cas de Clermont-Ferrand, qui a été ou sera mise en lumière deux fois cette année, lors du Tour de France masculin les 10 et 12 juillet mais surtout lors du Grand Départ du Tour féminin, les 23 et 24 juillet. Une double publicité, en somme. « En 2020, nous avions accueilli un départ d’étape. ASO nous avait dit alors que le Tour de France des femmes allait être relancé. Nous nous sommes aussitôt positionnés car le développement du sport féminin est un fil rouge de la politique sportive de ce mandat », relate Jean-Benoît Burnichon, directeur des sports de Clermont-Ferrand, qui, autre particularité, est actuellement en lice pour devenir capitale européenne de la culture en 2028. « Autrefois, cette candidature était liée à des éléments patrimoniaux, culturels, aujourd’hui, elle a un sens plus citoyen autour de la citoyenneté européenne. Il s’agit d’essayer de rassembler un maximum de publics et de sens et ça, c’est le Tour de France », indique Matthieu Blondeau, responsable de la communication, qui porte pour la ville ce projet vu comme un outil de « soft power ». La décision sera prise en décembre 2023.
Même chose pour Bordeaux, municipalité investie sur le vélo, surtout depuis l’arrivée du maire écologiste Pierre Hurmic en 2020. « Nous avons candidaté pour le caractère populaire de la fête. Tout le monde a une anecdote à raconter. Il n’existe pas beaucoup de manifestations même sportives suscitant un tel degré d’adhésion et de souvenirs, dépeint Brigitte Bloch, conseillère municipale déléguée pour le tourisme et l’économie du vin à Bordeaux, qui en est, en 2023, à son 82e accueil du Tour de France, après une pause de douze ans. Le vélo est un marqueur fort du territoire (accessibilité, création de pistes cyclables, label Ville à vélo…) ».
Une communication largement suivie d’effets puisque les retombées économiques sont au rendez-vous. Selon les élus et les études consultés, un euro investi rapporterait autour de trois euros, parfois moins, parfois beaucoup plus. Cela se joue à la fois avant, pendant et après la course. En amont, les fans peuvent arriver sur les lieux plusieurs jours avant le Tour, réserver leurs emplacements, et donc consommer sur plusieurs jours. Il faut héberger à la fois les organisateurs, les médias, les partenaires, les touristes. Il faut ensuite faire face pendant l’événement, la population étant presque multipliée par cinq, par exemple à Saint-Léonard-de-Noblat, passant de 4500 habitants à 25 000 personnes attendues. « Les maires autour de moi me remercient d’avoir pris le Tour. Certains organisent un marché, installent un écran géant… », complète Alain Darbon.
1000 vélos par jour hors Tour
Sur le long terme, c’est-à-dire les étés et les hivers suivants, le dividende est à chercher du côté des téléspectateurs ayant découvert la destination lors du Tour et qui décident de venir y séjourner. « Pour nous, le plus grand bénéfice, c’est quand on n’a pas le Tour de France (on l’a en moyenne tous les deux ans). Hors événement, nous recensons en moyenne 1000 vélos par jour. Les accompagnateurs consomment dans la station [de l'Alpe d'Huez], assure François Badjily. Le Tour de France influence 30 à 40 % du tourisme ».
Autant de bénéfices acquis parce que la médiatisation est soignée en amont. En France, France Télévisions effectue des repérages, en physique ou à distance. Les commentateurs collectent des informations actualisées sur les lieux de passage, les cadreurs préparent le calage de leurs caméras. Si la primeur de la retranscription va bien sûr à la course, les télévisions peuvent, lors de moments sportivement moins intenses, diffuser d’autres images, déjà en magasin, afin de faire découvrir les lieux traversés.
Un peu « aléatoire » donc pour les communes, restant dépendantes, pour ce que l’on verra d’elles, du déroulé de la course. Toutefois, l’exposition reste incomparable parce que les noms des municipalités peuvent être répétés y compris avant les étapes ou lors de temps forts évoquant d’autres moments mémorables passés. « Même quand on n’a pas le Tour, on parle de nous », conclut François Badjily.