L'Autorité de la concurrence, présidée par Benoît Cœuré, a prononcé des mesures conservatoires contre Meta visant à déverrouiller l'accès au marché de la vérification publicitaire.
C’est une petite société française créée en 2009, Adloox, et qui n’a cessé de voir son chiffre d’affaires reculer depuis 2017, avec une masse salariale divisée par deux et des investissements marketing en chute de 90% depuis 2019. Comme les grands acteurs américains dans son domaine, IAS ou DoubleVerify, la start-up s’est développée dans la vérification de la visibilité des impressions publicitaires sur internet (temps d’affichage, nombre de pixels visibles…), la mesure de la fraude via les robots ou des fermes à clics qui gonflent artificiellement les audiences (pour 7,2 milliards de dollars de revenus en 2017, selon l’Union mondiale des annonceurs) et la sécurité de la marque de façon à éviter à une publicité d’apparaître dans un environnement nuisible (« brand safety » où l’on retrouve également Moat d’Oracle). Certes, Adloox n’est pas un acteur mondial mais elle dispose quand même de deux filiales, aux États-Unis et au Royaume-Uni.
Pour pouvoir exercer son métier, qui consiste à proposer une certification indépendante avec une mesure précise et granulaire, tout vérificateur a besoin d’accéder aux inventaires publicitaires des plateformes. Or voilà que la petite entreprise française s’est toujours vu refuser par Meta, qui pèse plus de 50% de son marché, l’accès à son programme Meta Business Partners. Ce fut le cas en 2016 puis en 2022, alors même qu’Adloox obtenait l’appui de clients du géant ou du Media Rating Council (MRC), l’organisme international qui régit les vérificateurs. Après des manœuvres « dilatoires », Meta a consenti à adresser au plaignant Adloox 21 critères cumulatifs qui justifient des mesures conservatoires aux yeux de l’Autorité de la concurrence.
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L’institution présidée par Benoît Cœuré pointe à la fois le caractère non objectif et non transparent de ces critères complexes liés à la cerfication et à la taille, ce qui peut constituer une barrière à l’entrée, l’aspect discriminatoire d’un refus envers un acteur qui propose des services équivalents à ses concurrents et enfin la dimension non proportionnée d’une telle réponse alors même que Meta est susceptible d’être en situation d’abus de position dominante. Sans préjuger de l’instruction au fond, c’est donc bien une « atteinte grave et immédiate aux intérêts d’un secteur », comme le prévoit la loi.
« Pour Adloox, la position de Meta est déterminante, observe Benoît Cœuré. Si vous avez accès aux données, vous aurez les clients. C’est une dynamique cumulative, mais qui peut s’inverser si vous êtes obligés de couper vos coûts, que vous n’avez plus d’argent pour investir, voire pour payer les services d’accréditation du MRC. » Le président de l’Autorité souligne aussi qu’un an avant la mise en œuvre effective du Digital Market Act, il serait « particulièrement préjudiciable » qu’on ferme un marché que le DMA est censé ouvrir. Meta a deux mois pour proposer de nouveaux critères transparents et non discriminatoires. L’Autorité a montré en 2021 qu’elle était capable d’une lourde sanction. Google a dû payer 500 millions d’euros pour ne pas avoir respecté des mesures conservatoires l’enjoignant de négocier de bonne foi avec les éditeurs sur les droits voisins.