Depuis la rentrée, Jean-Luc Lemoine a retrouvé le chemin d’Europe 1 où il assure sa chronique quotidienne dans l’émission matinale dédiée aux médias avant de rejoindre l’après-midi la bande de Stéphane Bern. Portrait d’un humoriste timide mais résolu.
« Je voulais être concepteur-rédacteur de pub. J’avoue qu’il y avait une erreur d’aiguillage », s’amuse Jean-Luc Lemoine au terme d’une heure d’entretien durant lequel il s’est détendu peu à peu, après avoir livré sa chronique quotidienne au siège d'Europe 1, dans l’émission média de Philippe Vandel à 10 h 05. Il revient avec pertinence et malice sur un programme de la veille, démontant et étrillant les travers de notre société cathodique et ses ambivalences cocasses. Pour nous saluer, il nous a spontanément fait la bise, à l’heure où le covid a redéfini les distances sociales. Avant de presque s’excuser. L’audace maladroite des réservés. Car réservé, il l’est, indéniablement : « Sur ce point, je suis comme Laurent Ruquier qui est timide dans la vie mais quand la lumière des projecteurs s’allume, plus du tout ». Il partage avec l'animateur la même humilité. Pendant la discussion, il rosira parfois, en détaillant son parcours avec pudeur, à mille lieues de la langue de bois et sans jamais se renier.
Cet enfant « de classe moyenne », dit-il, a grandi à Morangis, dans l’Essonne, fils d’une mère au foyer et d’un policier. Il est fier du métier de son père, qui lui recommande pourtant de dire « fonctionnaire » quand on lui demande la profession qu’il exerce. Le gamin découvre le plaisir de faire rire en écrivant des nouvelles humoristiques pour ses copains, en vacances et en colo. Et puis vient cette fête de l’école lorsqu’il est en première. Un inconnu fait rire 900 personnes. Il est bluffé et conquis. Téméraire, il tente sa chance l’année suivante. Banco, il découvre l’adrénaline et l’ivresse de faire rire. « Je me suis dit que c’était un métier difficile mais que je le tenterai pendant quelques années. Et ça fait trente ans que ça dure » avoue-t-il encore étonné.
Cela ne s’est pas fait sans mal. « Mes parents étaient désespérés par la voie artistique que je voulais prendre. Quand on demandait à ma mère ce que faisaient ses enfants, elle répondait : “mon fils, rien, et ma fille, prof d’anglais”. Je mentirais si je disais que cela ne m’a pas affecté. J’ai accueilli mes premiers succès comme des soulagements plus que comme des exaltations ».
Lire aussi : Qui sont les gagnants de la rentrée radio ?
Pour assurer ses arrières, il fait un DUT de commerce international puis Sup de Pub. Mais ses diplômes en poche, il court le cachet, entre spectacles, pièces de théâtre avec des copains, écriture de scenarii, café-théâtre et sketchs pour des émissions de télé. Emballé par son one man show, Laurent Ruquier le propulse illico sur le devant de la scène en l’enrôlant dans sa bande d’Europe 1 dans « On va s’gêner » et pendant six ans en access prime time dans On a tout essayé, puis dans On n’est pas couché sur France 2. « Quand il m’a appelé, j’étais un total inconnu et un coup de projecteur médiatique s’est posé sur moi. Cela a été comme une déflagration. » Ses parents sont devenus « hyperfiers mais c’était excessif de passer de “ne pas me calculer” à “ne pas rater mes prestations” », sourit-il avec tendresse avant de s’assombrir en pensant à son père, décédé au printemps.
Cette vague affolante de notoriété, il l’a à nouveau connue avec Cyril Hanouna. « Quand je l’ai rejoint dans TPMP, c’était une émission hebdo sur France 4 avant de migrer sur C8. Cyril était un vieux copain de galère depuis l’époque où il était stagiaire à Comédie. L’émission est devenue un phénomène de société. Je faisais partie d’une bande que les gens aimaient. Ils m’arrêtaient dans la rue pour me demander des nouvelles des uns et des autres, comme si on vivait ensemble ». De vibrante, l’émission est devenue clivante, sur fond de dérapages à répétition. « On est passé de l’hystérie positive à l’hystérie négative », reconnaît-il. Il a attendu un an avant d’arrêter… pour ne pas être déloyal et partir quand le bateau tanguait.
À la rentrée 2020, Europe 1 l’approche mais rien ne se conclut. Un an après, le voilà à fond, de 6 heures du matin à 22 heures certains jours entre ses deux émissions quotidiennes d’Europe 1, Samedi d’en rire qu’il anime sur France 3 et les représentations de son spectacle. « Début novembre, j’en étais déjà à 100 chroniques dont des portraits d’invités ». Pour la première fois de sa vie, afin de produire suffisamment, ce « control freak » s’est constitué un pool de sept coauteurs dont sa compagne. « Ce serait indécent de me plaindre mais il y a des jours où ça tire », sourit-il. Encore rougissant d’y être arrivé.
Parcours
1970. Naissance à Paris.
2001-2012. Chroniqueur d'On va s’gêner de Laurent Ruquier sur Europe 1.
2001-2006. Chroniqueur d'On a tout essayé de Laurent Ruquier sur France 2.
2006-2008. Chroniqueur d'On n’est pas couché de Laurent Ruquier sur France 2.
2009. Pésente L'Habit ne fait pas Lemoine sur France 2.
2013-2016. Chroniqueur de Les Pieds dans le plat de Cyril Hanouna sur Europe 1.
2011-2018. Chroniqueur à TPMP de Cyril Hanouna sur France 4 puis C8.
Depuis 2019. Animateur de Samedi d’en rire sur France 3.