France 3 diffusera mercredi 19 octobre le premier numéro d'une émission fondée sur des procès filmés, avec pour objectif affiché de rapprocher les Français de leur justice. Une petite révolution.
C'est une petite révolution dans les tribunaux et à la télévision. France 3 diffusera mercredi 19 octobre le premier numéro d'une émission fondée sur des procès filmés, avec pour objectif affiché de « rapprocher les Français de leur justice ». Programmée à 23h10, « Justice en France » est une émission mensuelle de 52 minutes, présentée par le chroniqueur judiciaire Dominique Verdeilhan. Elle contient des extraits de procès filmés ces derniers mois, entrecoupés par des explications d'experts en plateau, dans un but pédagogique. Le premier numéro a été tourné au tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence pour des audiences pénales liées aux délits routiers.
Voulue par le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, cette possibilité de filmer les procès a été ouverte par une loi promulguée en décembre. L'aboutissement d'un long chemin : depuis 1954, il est strictement interdit de photographier et de filmer les audiences, même si quelques exceptions sont permises depuis 1985, pour constituer des archives historiques. Seuls 15 procès avaient jusqu'ici reçu une telle autorisation, comme celui de Klaus Barbie en 1987, le procès des attentats de janvier 2015 ou celui des attentats du 13-Novembre. « Je fais partie de ceux qui militent depuis longtemps pour que la justice s'ouvre davantage, communique davantage, se fasse connaître », explique l'ancien magistrat Jacques Dallest, qui a apporté son expertise au premier numéro de l'émission. Car l'image que les gens se font d'un procès vient souvent des fictions, que ce dernier juge « plutôt calamiteuses ».
Réticences à faire tomber
« Rares sont celles qui représentent les choses de façon réelle », note-t-il. « Il y a souvent plus de silences dans les procès réels que dans les fictions, où tout le monde parle par grandes tirades », relève-t-il encore. En vertu de la nouvelle loi, toutes les audiences peuvent désormais faire l'objet d'une demande de tournage, partout en France, qu'il s'agisse de justice pénale ou civile. Pour être accepté, le projet doit avoir un objectif « d'intérêt public d'ordre pédagogique, informatif, culturel ou scientifique », et les diffusions ne peuvent avoir lieu que quand les affaires sont définitivement jugées, c'est-à-dire sans possibilité d'appel. Ces captations ont nécessité l'accord des magistrats, des avocats et des justiciables. Les personnes présentes à l'audience doivent en outre donner leur feu vert à la diffusion de leur image. Dans le cas contraire, elles sont anonymisées.
Plus que les grands procès médiatiques (crimes, délits importants...), le but est de mettre un coup de projecteur sur « la justice du quotidien », celle « qui se rend tous les jours », souligne Jacques Dallest. Ainsi, le deuxième numéro, diffusé le 2 novembre et tourné à Grasse, n'a pas été filmé dans une salle d'audience mais dans un lieu où le public n'est normalement pas admis : le cabinet d'un juge des affaires familiales, pour des divorces. Une manière de montrer que « la justice est une institution à laquelle tout le monde peut avoir affaire un jour », souligne Jacques Dallest. Son seul regret : le fait que le montage puisse « faire croire à certains téléspectateurs » qu'un procès est « très rapide », à rebours d’une réalité souvent critiquée pour son inertie. « On pourrait un jour aller plus loin encore et imaginer que des procès soient diffusés en direct », glisse-t-il, voyant cette émission comme une « première étape » qui aura « un effet d'entraînement ». « Plus elle va durer dans le temps, plus cela va faire céder des réticences » dans le monde judiciaire.