Que va apporter le groupe Ebra à Territoire TV le 1er janvier 2022 sachant que ce groupe n’a pas de télés locales ?
Patrick Venries. Territoires TV, qui comprend déjà quatre groupes de presse régionale [Sud-Ouest, La Voix du Nord, La Nouvelle République et Le Télégramme] a pour objectif de produire des émissions pour le compte de leurs chaînes et de commercialiser, avec 366TV, les écrans des télés locales. Mais la réunion de ces groupes ne se fait pas seulement sur la base de la télé broadcast. Les sites de la presse régionale ont également des audiences digitales importantes. Ebra ne vient pas ajouter des télés aux nôtres mais additionner la diffusion digitale des émissions que l’on produit. Sur 366TV, la part de la vidéo commercialisée est autour de 20 % du CA global. Cela vient en plus de la diffusion linéaire classique et c’est en forte augmentation. L’objectif est de réaliser 2 millions d’euros l’an prochain avec 366TV.
Sur la régie 366, où la hausse a été de 16,6 % en 2020, la progression continue-t-elle ?
Oui, nous dépasserons le chiffre d’affaires de 2020, à plus de 105 millions d’euros. Nous avons profité de la crise sanitaire pour faire valoir la qualité de nos supports et le fait que la proximité touchait les consommateurs. Si l’on additionne nos diffusions papier et nos diffusions digitales, il n’y a pas de match. Nous sommes la première offre de presse et cherchons à avoir la première offre vidéo à la fin 2022. La création d’un portail commun est en discussion. Cela avance pas à pas. Après Extra-Locale coproduite avec Public Sénat, nous devons sortir trois émissions supplémentaires : sur la cuisine, début janvier, sur les initiatives économiques des territoires autour du « made in France » et des entrepreneurs locaux, et enfin autour de la santé.
Où en est le développement du groupe Sud-Ouest en termes d’abonnés numériques ?
Nous terminons l’année à 40 000 abonnés uniquement digitaux, ce qui est un score très honorable. L’objectif est de 100 000 en 2024.
Le groupe projette-t-il toujours de déménager ?
Oui, nous avons un projet de réunion de nos activités sur un de nos deux terrains à Bordeaux. Nous sommes encore en train de l’étudier. Je n’en dis pas plus car il n’est pas tout à fait acté. C’est de la rationalisation normale.
En dix ans, Sud-Ouest a fermé ses agences locales dans le Gers et en Charente. Quelles sont les limites de sa zone de diffusion aujourd'hui ?
En Charente, le groupe a La Charente libre qui marche très bien et tire à plus de 30 000 exemplaires. Au global, par rapport à l’époque où nous avons quitté le Gers, il y a dix ans, les frontières n’ont pas changé.
Sud Ouest est un grand régional qui a une couverture de l’actualité nationale et internationale. Faut-il mettre davantage l’accent sur le local ou, comme Le Parisien, regrouper les éditions locales pour se concentrer sur l’actualité de portée nationale ?
Le journal a toujours été souhaité par la famille Lemoine comme étant un journal complet avec de l’actualité locale et l’essentiel de l’actualité nationale et internationale. Aujourd’hui, il est difficile de dire ce qui est proche et ce qui ne l’est pas. Les migrants, c’est proche aussi. Nous ne sommes pas dans une segmentation « international/national/régional/départemental/local ». On va de plus en plus vers un découpage d’intérêts, qui débordent le fait que ce soit votre voisin. On ne traite pas l’actualité institutionnelle mais on peut prendre à l’étranger quelque chose qui nous touche. Et le local devient de plus en plus universel : il y a de moins en moins de frontières. Tout cela se mélange, beaucoup plus qu’avant. Ce qui compte, c’est l’expertise des journalistes pour mettre cette actualité en relation.
Sud Ouest va-t-il s’engager dans la campagne électorale alors que beaucoup de thèmes sont aujourd’hui marqués à droite sur l’immigration, l’insécurité, l’islam…?
Non, on ne s’engagera pas. Notre ligne jaune est tout ce qui n’est pas républicain ni démocratique. Mais notre rôle est de faire œuvre de pédagogie par rapport à certaines politiques, de les remettre en perspective quand il y a lieu, qu’elles soient de droite ou de gauche. La vision de gauche est parfois héritée du passé et s’effondre à l’épreuve de la réalité. Et si bien sûr le régime devait basculer dans un régime ouvertement fasciste, on pourra se poser la question.
Suivant que l’on met l’accent sur l’immigration ou le climat, on ne fait pas tout à fait le même journal…
En effet, l’inquiétude majeure est pour nous le réchauffement climatique. Tous les autres sujets en sont d’ailleurs des conséquences. À partir de là, je ferai une hiérarchie qui ne sera pas celle de la peur, c’est sûr. Nous sommes le reflet d’une opinion assez modérée. En mars 2022, notre raison d’être sera autour de l’engagement dans l’indépendance de l’information, la traçabilité, l’impact positif et le fait de relier les gens sur les territoires. C’est plutôt ça que « halte aux Arabes » !
Quid de vos imprimeries ?
Nous avons trois imprimeries et notre projet est d’en fermer deux, en rapatriant l’ensemble sur un seul site. Le projet prévoit de transférer l’activité d’impression d’Angoulême à Bordeaux cette année et de Pau à Bordeaux l’année prochaine. Quarante personnes sur deux ans sont concernées par la restructuration.
La question de votre succession va-t-elle se poser en 2022 ?
Elle va se poser dans les mois qui viennent. Je vais avoir 64 ans. Mais je ne sais pas quand je m’en irai. Ce n’est pas arrêté. Et il peut être recruté un directeur général délégué le temps nécessaire…