Vous présentez le 13h de TF1, très axé sur le terroir et les traditions. Comment renouveler ce traitement de l’information à la suite de Jean-Pierre Pernaut ?
Marie-Sophie Lacarrau. Je continue à parler de terroir et de patrimoine, c’est la ligne directrice du 13h, cela me correspond et j’y suis attachée. Nos correspondants locaux alimentent 70 à 80 % des reportages, ils sont nos yeux et nos oreilles en région. Mais j’aime par-dessus tout quand on ajoute une dimension de transmission entre générations, quand on montre des jeunes qui s’emparent de ces valeurs. Par exemple, nous avons diffusé un reportage sur un couple de jeunes boulangers en Normandie qui ont déjà deux boutiques et s’apprêtent à en ouvrir une troisième. Je souhaite mettre en avant toute cette vitalité dans nos régions.
Depuis la pandémie, de nombreux Français ont changé de lieu de résidence ou de profession. Comment abordez-vous cette nouvelle donne sociologique ?
Le 13h de TF1 est le reflet de cette réalité. On a fait plusieurs portraits d’urbains qui ont changé de vie. En revanche, on montre bien que quand on fait ce choix, il ne faut pas se plaindre de la cloche qui sonne ou du coq qui chante. Je défendrai toujours les bruits de la campagne face aux nouveaux habitants !
Avec le covid, y a-t-il un rééquilibrage entre Paris et les régions ? Sentez-vous moins de parisianisme dans les médias ?
J’ai toujours été convaincue que Paris n’était pas la seule ville où il se passe des choses. J’ai construit ma carrière en région, j’y ai appris mon métier, pour moi tout part de là. Dans la crise que l’on a traversée, on a vu émerger toutes sortes d’initiatives : je pense à ces maires de petits villages qui n’ont pas attendu pour commander des masques. Il y a eu un élan partout dans le pays. Si certains l’ont découvert, ce n’est pas mon cas.
Êtes-vous favorable à un journalisme de solutions plutôt que de dénonciation ?
Depuis dix ans, le 13h mène l’opération SOS Village qui propose des offres de commerces ou d’activités à reprendre. Chaque semaine, on met en avant une annonce ou une reprise réussie. J’estime qu’on est dans notre rôle quand on montre des exemples et qu’on donne envie de s’engager. Peut-être que dans quelques années, on arrêtera de parler des villages qui se dépeuplent et que la tendance s’inversera. Il n’y a rien de plus lassant que des politiques qui font le constat des problèmes sans avancer d’idées pour changer les choses. Pour moi, le journalisme de solutions, ce n’est pas le journal des bonnes nouvelles, c’est créer une dynamique positive. Sans nier les problèmes, c’est montrer des solutions à l’échelle des quartiers, des villes petites et moyennes. Tout ne peut pas venir d’en haut.
À l’approche de l’élection présidentielle, comptez-vous intégrer plus de débats de société dans le 13h ?
Des débats de société, nous en faisons tous les jours dans le journal en allant chercher la parole des Français. On nourrit le débat et on fait remonter cette petite musique essentielle à nos politiques. C’est bien de voir comment les Français réagissent à une proposition venue d’en haut, mais il faut également partir des besoins d’en bas, en termes de pouvoir d’achat, de transports, de famille… Je souhaite que le 13h prenne toute sa place dans le débat présidentiel. Nous allons lancer de nouveaux formats pour cette échéance, mais pas avant janvier 2022.
Vous êtes originaire de l’Aveyron, vous avez gardé une pointe d’accent. Pensez-vous que cela vous aide à être plus proche de vos téléspectateurs et à mieux refléter la réalité du pays ?
Je ne me pose pas la question comme ça. Je parle avec cet accent, je ne cherche ni à l’afficher ni à le gommer. Dans ce 13h, on n’entend pas que l’accent du Sud-Ouest, mais aussi des accents chti, corse, breton, marseillais… C’est toute la richesse de notre pays. J’ai envie de revendiquer mon accent, peut-être plus encore.
Pourquoi « plus encore » ?
J’ai reçu des courriers me disant que je ne parlais pas bien français, mais d’autres, plus nombreux, me disant : « Surtout, ne changez rien. » Je garde mon accent, car c’est ce que je suis. Il y a encore cinq ans, j’habitais dans un village de la campagne toulousaine et je sais ce que c’est de devoir remplir son réservoir d’essence ou sa cuve de fioul. Les questions de carburant, c’est du concret pour moi !