«Lorsque j’ai créé Prisma Presse, en 1978, on a d’abord lancé Géo puis un portefeuille de titres relativement grand public comme Ça m’intéresse (1981), Prima (1982), Femme actuelle (1984) ou Télé-Loisirs (1986). J'étais convaincu qu’il fallait que Prisma Presse ait une certaine taille pour se consacrer à des titres plus spécialisés comme ceux de la presse économique, à laquelle je pensais depuis le début. À titre personnel, j’en suis un grand fan et j’admire tout ce qui concerne ce secteur.
Je me suis donc plongé intensivement pendant trois ou quatre ans dans la lecture de cette presse. Je l’ai trouvé assez scolaire, un peu barbante et trop proche de simples bilans de société. On n’y parlait que de la macro-économie des entreprises. J’ai embauché Rémy Dessarts [alors rédacteur en chef adjoint de L’Usine nouvelle et aujourd’hui directeur délégué des rédactions du Parisien-Aujourd’hui en France] et un jeune allemand, Andréas Wiele [alors directeur d’édition de Géo et devenu responsable de la diversification numérique du groupe Axel Springer]. Nous formions le trio dédié à ce projet.
Lecteurs-testeurs
Nous voulions faire un titre vivant, qui parle de la vie économique des entreprises, de leurs réussites et leurs échecs, à travers les hommes et les femmes qui la font. Nous avons imaginé une trentaine de pages, avec des infographies montrant les résultats positifs et/ou négatifs, ce qui était inédit. Cette formule était une création, fondée sur notre intuition, notre sensibilité et notre connaissance du marché. J'ai voulu valider ces propositions en faisant des tests avec des groupes de lecteurs, comme cela se fait dans l’industrie. On me l’a parfois reproché, me traitant de « lessivier ». Mais lorsqu’un lancement nécessite un investissement de 25 à 50 millions de francs, il est normal de vérifier que l’on est sur la bonne route. Cela n’enlève rien à la créativité et à l’intuition qui sont nécessaires pour inventer un journal. Les lecteurs-testeurs ont été immédiatement hyper-convaincus et enthousiastes. On a fait un numéro zéro, à nouveau plébiscité par ces groupes.
Sommaire en une
Notre volonté était aussi d’imaginer un journal qui ne soit pas acheté sur abonnement par les entreprises mais par les lecteurs. Les années 1990-1991 ont été marquées par une crise économique. Il était évident que les sociétés allaient restreindre leurs abonnements. Pour attirer les lecteurs, nous avons créé une couverture non pas avec une image, mais un patchwork de titres de cinq ou six articles. L'idée, c'était d'afficher le sommaire en une. Principe souvent copiée depuis.
Dès le premier numéro, sorti en septembre 1991, Capital a connu un grand succès. Nous avions investi 38 millions de francs la première année. Dès la suivante, nous avons eu un résultat opérationnel de 60 millions de francs. Pour la première fois, comme l’a montré le courrier des lecteurs, beaucoup de femmes se sont intéressées à la presse économique. On a atteint une diffusion de 420 000 exemplaires, un record d'Europe pour un titre économique. Capital demeure l'une de mes grandes fiertés.»