Cela sonne comme un air de revanche. Et pas seulement pour la quinzaine de journalistes venus de Science & Vie – dont huit permanents – qui ont pour la plupart démissionné après le rachat de Mondadori par Reworld. Également pour Emmanuel Mounier, le patron d’Unique Heritage Media [UHM], groupe créé en 2014. Ce polytechnicien de 47 ans, lecteur de Science & Vie depuis l’âge de 10 ans, avait déclaré à Mondadori son intérêt pour le titre avant la cession de la filiale française à Reworld, en 2019. Mais le groupe italien avait préféré vendre en bloc. Désormais, c’est un nouveau mensuel rival, Epsiloon, que l’éditeur lancera fin juin. Epsiloon, comme l’infini… Le futur magazine se situe entre l’infiniment petit et l’infiniment grand. « On travaille aux deux extrêmes », pointe le patron de presse.
« Un gros risque »
Côté modèle économique, les ambitions sont relativement modestes. Emmanuel Mounier prévoit d’ici à cinq ans un chiffre d’affaires de 5 millions d’euros et une diffusion de 50 000 exemplaires à 5 euros le numéro ou 50 euros par an pour l’abonnement. On ne s’étonnera pas de constater qu’Epsiloon est arrivé mardi 11 mai à collecter 5 000 pré-abonnements sur la plateforme Ulule ou que la publicité y est limitée à 5 % du CA. L’éditeur, qui proposera une campagne conçue en interne essentiellement en radio et médias sociaux, prend « un gros risque » en investissant 1 million d’euros. Mais le public potentiel est large : un bassin d’audience de 3 à 4 millions de personnes, en premier lieu les ingénieurs et les chercheurs.
UHM pourra, pour le convaincre, profiter de l’effet de chaînage avec ses publications Tout Comprendre Junior (7-12 ans) et Comment ça marche (jeunes ados). « On va chercher un lectorat plus âgé mais peut-être plus jeune que Science & Vie et Sciences et Avenir », estime l’éditeur de Fleurus et des magazines Disney.
Sur le plan des ambitions éditoriales, Epsiloon voit grand en revanche. Il veut faire entendre sa voix singulière par rapport à Science & Vie en décryptant l’actualité scientifique avec « plus de mise en scène ». Il entend aussi présenter cette actualité de façon rafraîchie en faisant notamment des focus sur de nouvelles sciences. Pour se crédibiliser, l’entreprise fera intervenir chaque mois un réseau d’une centaine de scientifiques : la parole leur sera donnée mais toujours sous le prisme vulgarisateur du journaliste.
15 000 à 20 000 abonnés
« On va brasser beaucoup plus large que notre vénérable ancien journal », a assuré Hervé Poirier, ancien directeur de la rédaction de Science & Vie parti cet automne. Il s’appuiera sur Mathilde Fontez, qui l’a suivi en janvier. Parmi les sujets du premier numéro évoqués, « pourquoi les chimpanzés adorent sortir en bande quand ils sont ados » ou « pourquoi on ne comprend rien à la 5G ». Epsiloon espère ainsi réunir 15 000 à 20 000 abonnés, alors que Science & Vie en compte 140 000 et Sciences et Avenir 160 000. Reworld, qui sait que son magazine scientifique est son titre le plus rentable, s’est empressé d’annoncer le 10 mai la création d’un comité scientifique, avec une dizaine de chercheurs et d’ingénieurs, pour défendre ses positions.