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Après avoir sommé, par voie d’huissier, les experts favorables à Suez de donner leurs liens d’intérêt avec ce groupe, Veolia a la satisfaction de constater que les pratiques changent.

L’initiative avait valu à Laurent Obadia, dircom de Veolia, une volée de bois vert, mi-décembre 2020. La sommation par huissier, adressée à des experts ayant pris la parole sur le projet de fusion avec Suez, avait hérissé les rédactions. La société des journalistes (SDJ) de L’Usine nouvelle, a alors parlé de « pratiques de manipulation ». « Ce n'est pas tant la question posée qui m'est difficile que la méthode employée pour me l'adresser qui s'avère insultante », s’est enflammé l'économiste Elie Cohen dans une lettre publiée par L'Obs, précisant « toute absence de lien direct ou indirect avec les intervenants dans l'opération de rapprochement ». Laurent Obadia le reconnaît : « Ils ont été nombreux à nous tomber dessus, notamment à cause de la surface médiatique d’Elie Cohen, mais apparaît maintenant  la légitimité du débat. »

Une cinquantaine d'interventions d'experts

Un signe ? Les Echos ont publié le 17 février une tribune d’opinion d’un professeur à Dauphine, Patrice Geoffron, en précisant qu’il « a réalisé avec Altermind un rapport pour Suez ». De quoi enchanter Veolia et son agence, Havas, qui a comptabilisé entre septembre et décembre « une cinquantaine d’interventions d’experts ayant des liens d’intérêt avec Suez ». Alors que Veolia engrange les succès judicaires, depuis le lancement de son OPA, l’heure de la revanche a-t-elle sonné ? « Je n’ai jamais vécu une campagne d’influence de cette intensité et j’ai le sentiment que tout cela était orchestré, assure Laurent Obadia. On a retrouvé la même tribune, à trois ou quatre mots près, dans plusieurs médias. Certains ne connaissaient absolument rien au projet et disaient qu’il n’avait aucune chance de réussir. Parfois, ils disaient vraiment n’importe quoi. Il fallait s’assurer s’il existe un lien direct ou indirect avec Suez. Il est sain que tout le monde dise d’où il parle. On demande tout aux politiques, aux magistrats, aux médecins, mais rien aux experts médiatiques. » Pour que l’on fasse appel à de vrais indépendants, et non à des lobbyistes reprenant des éléments de langage, Veolia réclame donc la transparence.

Utilisation massive des experts par les agences

Est-ce si simple ? Elie Cohen est proche d’Henri Proglio, l’ex-patron de Veolia opposé à la fusion qui l’a fait entrer au conseil d’administration d’EDF EN, ou membre du conseil de surveillance d’Eren Groupe, présidé par David Corchia, lui-même lié au banquier conseil de Suez, Arié Flack. « Jusqu’à quel degré de relation on va ? Il peut avoir aussi des convictions, non ? », interroge Leïla de Comarmond, présidente de la SDJ des Echos. « Il y a une utilisation de plus en plus massive des experts par les agences, renchérit Daniel Fortin, qui dirige les pages opinions du titre, on ne peut pas faire pour chacun une enquête de police. On a décidé de demander à tout intervenant dans une bataille boursière de certifier qu’il n’a pas d’intérêt avec une des parties. En cas de refus, on ne publie pas. » Veolia lui-même a vu un de ses avocats prendre la parole dans Le Monde « de sa propre initiative ». Obadia a appelé le journal pour le dire. Mais, ajoute Daniel Fortin, « Havas a aussi voulu me tordre le bras pour que je passe une tribune d’un ancien ministre. Qu’elle ne se donne pas le beau rôle… »

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