En vogue depuis trois semaines dans l’écosystème français du numérique, l’appli de « room vocale » Clubhouse a ses partisans, mais aussi ses détracteurs. Témoignages.

Les Pour

Une « radio libre depuis son canapé ». Clubhouse est une application lancée en mars 2020 et développée par Paul Davison et Rohan Seth. Elle permet de créer des « rooms » numériques dans lesquelles chacun peut parler. Des sortes de radios interactives. « Cela donne l’opportunité à chacun de créer une radio libre depuis son canapé, uniquement grâce à son téléphone. Tous les participants sont bienveillants, il y a beaucoup d’authenticité, on s’amuse et on s'enrichit les uns les autres », indique Jonathan Noble, cofondateur de Swello. Il a créé deux rendez-vous par semaine, des émissions qui rassemblent entre 60 et 70 personnes. Le gros plus par rapport au podcast ? « L’interaction possible et très simple avec les auditeurs », ajoute-t-il. Cet aspect enrichit la prise de parole, surtout au niveau professionnel. Ces émissions interactives, viennent s’ajouter aux articles de blog et aux podcasts, bien connus de la « start-up nation ».

Idem pour Havas Sport & Entertainment, qui a choisi l’application pour y débattre de sa dernière étude (lire p. 4). « Ça ne remplace pas les outils professionnels, disons que c’est une ouverture », déclare le président de l'agence, Stéphane Guerry. L’interface est assez simple, et le refus du pseudonymat – il faut le numéro de téléphone et le « vrai nom » - est censé faire office de modération. Si la parole est ouverte à tous, Clubhouse n’est pas ouvert à tout le monde : il faut être invité. Ce procédé de « vanity metrics », très américain, permet de faire monter la sauce, et de créer de la désirabilité auprès d’une élite.

 

Les contre

Un « entre-soi d'élites». « Clubhouse, ça a duré 5 minutes pour moi », tacle Guillaume-Olivier Doré. Ce serial entrepreneur faisait partie des 100 premiers Français à tester le réseau. « En France, on a déjà cette culture de la discussion entre amis, voire entre collègue. À la rigueur aux États-Unis, je comprends, mais pas dans un pays latin. Personnellement je me suis retrouvé entre des personnes inconnues qui réfléchissaient à leurs vacances ou aux meilleurs cours de yoga entre deux discussions professionnelles. Ce n’est pas très efficace. Pour ça, j’ai ma famille et mes amis ! » De plus, le télétravail augmente déjà considérablement le temps passé en discussion numérique. Sur son temps libre, ne vaut-il pas mieux prendre un bouquin ? Ce féru des réseaux sociaux a participé au départ de l’aventure Viadeo. Et ne « comprend pas trop le modèle économique : la cooptation ne peut pas être viable à long terme. Quant à la publicité, vue la cible, en dehors de quelques marques de luxe, je ne vois pas trop qui pourrait être intéressé... » ajoute-t-il.

C’est sûrement là le souci principal : le manque de brassage. « Ça fait quelques années qu'on se dit qu'il faut réfléchir à une tech plus inclusive et tout à coup un réseau social sur invitation où il n'y a qu'une élite blanche fait fureur », tance Virginie Béjot, spécialiste du vocal et autrice du livre La petite boîte à outil du podcast. Selon elle, outre le fait qu'il collecte un grand nombre de données [l’appli a été sermonné en Allemagne pour non-respect de la loi], son succès repose « sur un entre soi d'élites». De fait excluant, par ses sujets et sa population. Faut-il être surpris quand le nom évoque clairement les « frat house » des campus américains ?

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