Audiovisuel
Nouvelles fictions françaises, séries américaines, divertissements de première partie de soirée, access… Six experts médias décryptent les nouveautés des chaînes en cette rentrée marquée par l'incertitude sanitaire.

Il paraît loin, le temps où l’on disait le média télévision en perte de vitesse, déserté au profit des plateformes de streaming. Le confinement a recréé des habitudes d’écoute qui profitent encore aujourd’hui aux chaînes. Et la prise en compte par Médiamétrie de l’écoute hors domicile n’explique pas tout : 40% de l’audience supplémentaire de la télé (+17 minutes en un an, à 3h34 en septembre) ne serait pas liée à cette nouvelle mesure, chiffre David Larramendy, directeur général de M6 Publicité. Pour autant, toutes les chaînes n’en profitent pas de la même façon. Six experts médias livrent à Stratégies leur analyse sur ce qui marche ou pas parmi les nouveautés des chaînes en cette rentrée.

 

• Les grandes marques TV installées

Nouvelle saison de Koh Lanta, de L’Amour est dans le pré, de The Voice Kids… En cette rentrée, les chaînes continuent de miser sur leurs grandes marques programmes. « Ces émissions sont des marques totem, des piliers pour le téléspectateur dans une semaine normale », rappelle Julie Humeau, media and market insights director chez Dentsu. Après une saison record pendant le confinement, Koh Lanta permet encore à TF1 d’atteindre des niveaux d’audience très élevés le vendredi soir : les quatre premiers épisodes ont rassemblé en moyenne 5,8 millions de téléspectateurs, soit 13% de plus que lors de la précédente édition hors confinement, en avril 2019. Sur M6, L’Amour est dans le pré est stable depuis son retour à l’antenne mi-septembre, à 3,7 millions en moyenne. Même tendance du côté de TF1 pour The Voice Kids le samedi soir, à 3,6 millions. « On note une vraie usure de la licence The Voice. TF1 essaie de renouveler le casting systématiquement, mais il y a un essoufflement naturel », relève Frédérique Barbe, head of multiscreen chez Mediacom (Group M). « The Voice Kids reste un programme qui permet de toucher les jeunes générations », tempère Xavier Sarron, head of multiscreen chez Dentsu. Les moins de 25 ans représentent 14,7% de l’audience du programme, contre 6,7% pour la moyenne des primes. Sur Koh Lanta, ce chiffre monte même à 21,9%. Avec 2,7 millions de téléspectateurs le 30 septembre sur M6, Le Meilleur pâtissier réalise quant à lui son meilleur lancement depuis quatre ans.

 

• La fiction française à l'honneur

Malgré les reports de tournage du fait de la crise sanitaire, la fiction française a, cette année encore, été mise à l’honneur par les chaînes dans leur grille de rentrée. Dès le 7 septembre, TF1 a réuni pas moins de 7,4 millions de téléspectateurs (32,8% de part d’audience) avec son biopic sur Grégory Lemarchal, Pourquoi je vis, qui retrace le destin tragique de ce jeune chanteur atteint de la mucoviscidose. La chaîne misait aussi beaucoup sur la série Grand Hôtel, avec Carole Bouquet, qui a réuni en moyenne 4,4 millions de téléspectateurs. « On aurait pu s’attendre à plus. Comme Le Château des Oliviers à l’époque [en 1993], Grand Hôtel est plutôt une série d’été faite pour soutenir une audience réduite en juillet-août », estime Xavier Sarron, chez Dentsu. Sur M6, la série inspirée de l’affaire Dupont de Ligonnès, Un Homme ordinaire, a rassemblé de son côté 2,1 millions de téléspectateurs (10,1% de PDA) sur deux soirs. « M6 a toujours eu du mal avec la fiction, tranche Marlène Auvieux, directrice TV au sein du groupe Repeat. En termes de sujets, la fiction française continue de surfer sur la même vague que l’an dernier. » Également inspirée d’un fait divers, la mini-série Laëtitia, réalisée par Jean-Xavier de Lestrade et diffusée sur France 2 les 21 et 28 septembre, a totalisé une audience de 3,5 millions de téléspectateurs et 18,2% de part d'audience. « Un beau score pour France 2 », juge Muriel René, directrice média offline chez Re-mind PHD (OMG). « Le carton absolu pour France Télévisions reste Capitaine Marleau », modère Julie Humeau, chez Dentsu.

 

• Bilan mitigé pour les séries américaines

Malgré ses multiples récompenses, la série américaine Big Little Lies, avec Reese Witherspoon et Nicole Kidman, a tourné court sur TF1. En moyenne, la première saison a réuni 2,5 millions de téléspectateurs, avec une audience qui s’est étiolée au fil des semaines, passant de 4,1 millions pour le premier épisode le 25 août à 1,7 million pour le dernier trois semaines plus tard. Signe de cet échec, la saison 2 a basculé en deuxième partie de soirée. « Dès que TF1 se met sur un programme plus niche, celui-ci ne fédère pas. C’est dommage car ça apporte autre chose à la grille », souligne Marlène Auvieux, chez Repeat. D'autant que les deux premiers épisodes ont réalisé 30,5% sur la ménagère (FRDA-50). La saison 3 de la série Good Doctor en revanche reste à des niveaux très honorables : 3,7 millions de téléspectateurs, contre 4 millions en 2019. Sur M6, 911 est stable sur un an, à 2,2 millions, tout comme Bull, à 2 millions. « Les séries américaines sont plus homogène sur M6 que sur TF1 », note Muriel René, chez Re-mind PHD.

 

• La guerre de l’access

C8 est la chaîne qui a le plus bougé entre 18h et 20h, avec l’arrivée début septembre, en quotidienne, de Balance ton post ! et du jeu À prendre ou à laisser, en plus de Touche pas à mon poste, toutes trois présentées par Cyril Hanouna. Faute d’audience, Balance ton post ! est redevenue hebdomadaire en à peine une semaine, tandis qu’À prendre ou à laisser a été avancé. « Trop d’Hanouna tue Hanouna, moque Olivier Roberdeau, directeur multiscreen chez Mindshare (Group M). Cyril Hanouna est très segmentant. La base qu’il avait construite autour de lui s’effrite. » En face, sur TMC, Quotidien creuse l’écart, à 1,2 million de téléspectateurs en moyenne, contre 600 000 pour TPMP, même si l’émission commence à se redresser (750 000 téléspectateurs pour la semaine du 21 septembre). Sur M6, Tous en cuisine reste très loin de ses audiences du confinement, avec 1,3 million de téléspectateurs, contre 2 millions avant l’été. « Tous en cuisine comme À prendre ou à laisser sont des émissions émotionnellement rattachées au confinement. Autant les marques totem rassurent, autant celles-là ne rappellent pas forcément de bons souvenirs », insiste Julie Humeau, chez Dentsu.

 

• Les chaînes info en embuscade

Face au leadership de BFMTV, LCI et CNews n’ont pas dit leur dernier mot. LCI a réalisé un gros coup en débauchant de la Radio Télévision Suisse (RTS) le PPDA local, Darius Rochebin, pour une émission d’actualité qui rassemble en moyenne 132 000 téléspectateurs, deux fois plus que la même case il y a un an. « Il a une manière d’interviewer ses invités différente de ce qu’on voit d’habitude. C’est un petit pas de côté, même si je ne suis pas sûr que la case (20h-21h) l’aide beaucoup », souligne Olivier Roberdeau, chez Mindshare. Autre nouveauté sur LCI, l’arrivée d’Éric Brunet en fin de matinée. « Comme Pascal Praud sur CNews, Éric Brunet n’hésite pas à dire les choses, mais d’une manière différente : entre chroniqueurs et débatteurs pour Pascal Praud, à travers l’avis des téléspectateurs pour Éric Brunet », relève Olivier Roberdeau.

 

• Ruquier de retour sur France 2

Nouvelle émission, nouveau producteur et surtout nouveau rythme. Pour son retour en deuxième partie de soirée sur France 2 le 26 septembre, Laurent Ruquier a rassemblé avec On est en direct 805 000 téléspectateurs, soit une PDA de 13,3%. Même niveau d’audience la semaine suivante (805 000 téléspectateurs, 10,9% de PDA), à peine moins que la moyenne de l’émission la saison dernière (870 000 téléspectateurs). « C’est une bonne transition pour les gens qui aimaient bien On n’est pas couché, tout en étant un peu différent », estime Olivier Roberdeau.

 

• Le retour du sport 

Après des mois sans compétition, la diffusion de la finale de la Ligue des champions, du Tour de France et du tournoi de Roland-Garros semblent avoir fait un bien fou aux Français. Le 23 août, 11,4 millions de téléspectateurs (46,1% de PDA) ont regardé le match PSG-Bayern de Munich, meilleure audience de l’année pour TF1, hors allocution présidentielle. Le Tour de France, décalé à septembre, a  lui enregistré une audience moyenne de 3,5 millions de téléspectateurs, contre 3,3 millions pour son édition 2019. Enfin, la première semaine du tournoi de Roland-Garros, lui aussi décalé de mai à septembre pour cause de Covid, a enregistré sur France 2 une audience moyenne de 1,34 million de téléspectateurs, en légère hausse par rapport à 2019 (1,27 million). « Les Français attendent le retour plus massif du sport à la télé. Les annonceurs aussi », insiste Xavier Sarron, chez Dentsu. « L’intégration du hors domicile dans l’audience peut expliquer en partie ces résultats », modère Frédérique Barbe, chez Mediacom.

 

• Des émissions très attendues

Les experts attendent beaucoup de la nouvelle saison de Mask Singer le 17 octobre sur TF1, du prochain District Z (TF1) ou de Lego Masters (M6)… « Mask Singer est un programme très familial, avec des moyens qui se voient à l’antenne. Tous les ingrédients sont là pour un divertissement de week-end », estime Muriel René, chez Re-mind PHD. « Contrairement à Mask Singer, je ne suis pas sûre que District Z, avec son côté zombies, soit très familial. À voir ce que Denis Brogniart en fera », s’interroge Marlène Auvieux, chez Repeat. « Lego Masters rappelle l’émission sur les dominos. C’est plutôt bien pensé, ce sera un vrai programme familial », avance Frédérique Barbe, chez Mediacom.

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