Reconnaissons-le, chez le frère de Yannick Jadot, l’écologiste, le vert est le fruit d’une longue maturation. Plus libéral, pas opposé au nucléaire, celui qui est encore CEO de Dentsu Aegis Network jusqu’au 1er octobre répète souvent à son cadet que « l’entreprise fait partie de la solution ». Plus adepte du « name and celebrate » que du « name and shame », il a joué son rôle pour que le député européen aille à la rencontre des chefs d’entreprise au Medef. Pour lui, « l’environnement n’est désormais ni de gauche ni de droite mais au centre de la préoccupation. » Yannick ? « Il maîtrise ses sujets, et c’est en parlant de ses projets qu’il est le plus audible », note-t-il.
Deux mandats
L’homme n’en dira pas plus de son cadet de quatre ans avec lequel il a partagé une chambre d’étudiant Porte Dauphine. On devine que l’aîné donne quelques conseils fraternels en communication. Mais l’horizon de Thierry Jadot est ailleurs en ce début septembre. Il sait depuis un an qu’il va quitter l’entreprise aux 1 300 collaborateurs, après avoir organisé un plan de départs de 40 salariés – « approuvé à l’unanimité par les syndicats », précise-t-il. Il sait aussi que Pierre Calmard, directeur général de l’activité médias à l’origine d’IProspect, va lui succéder à la tête de Dentsu Aegis France après huit ans passés à sa tête. Lui, restera senior advisor quelques mois encore.
Sous ses « deux mandats », comme il dit, Dentu Aegis a eu à gérer des clients aussi importants que Total, BMW, Société générale, Accor, Air France, Yves Rocher ou dernièrement Kraft Heinz. Sans oublier le SIG et les structures publiques comme Santé Public France. Face à Publicis et Havas, il a veillé à « être différent » en investissant sur de nouveaux territoires : l’influence avec Dentsu Consulting, le B to B, le marketing sportif « car je crois à l’inclusion par le sport » ou encore la Maison Dentsu, structure consacrée au luxe et à la culture dont la question de la survie est posée. « C’est quelqu’un de très raffiné, cultivé et curieux, observe Véronique Reille-Soult, qui dirige l’activité consulting, il ne prend jamais les choses par le prisme du business, son schéma de pensée est assez large à partir du moment où on lui démontre que cela fait sens. » De la transformation numérique, son département a ainsi évolué sur l’influence et l’actif intangible de la pérennité. « On fait parler de nous et on produit de l’intelligence pour nos clients », résume-t-il.
Distance focale
Mais est-ce qu’une agence média, fut-elle globale, peut être pilotée par autre chose que le business ? La perte du budget Mondelez, il y a deux ans, a rappelé Dentsu à la dure réalité des affaires. Cela n’empêche pas Thierry Jadot de se montrer attentif à toutes les transformations du monde. Que ce soit à travers son think tank, Culture numérique, son combat pour l’inclusion des femmes via #JamaisSansElles, son soutien à Médias en Seine ou aux Rencontres économiques d’Aix ou encore l’Institut Montaigne et ses cours à Sciences Po sur les industries créatives. Passionné de photo depuis qu’il a reçu un Instamatic à dix ans, l’homme a le sens de la distance focale comme en témoigne son exposition « Chine, les années enfiévrées » à la Maison de la Chine, en 2018.
Ces années Tian'anmen, en 1987-1989, il les a passées à Canton en tant que prof coopérant après des études à Dauphine et Sciences Po. Ses clichés sont aujourd’hui des témoignages pour l’histoire des mutations de la Chine. Mais c’est ensuite pour Peugeot qu’il reste dix ans d’abord au Brésil puis en Argentine. Là, il lance une filiale de RSCG - il fait avec Jacques Séguéla une campagne politique pour le candidat à la mairie de Buenos Aires Mauricio Macri -puis crée une structure de consulting et de communication corporate qui se transforme en gestion de crise en septembre 2001. « Avec Tian'anmen, la crise économique argentine a façonné en moi une capacité de résilience », sourit celui qui se remet doucement de la mort du Covid de son ami Jean-Philippe Ruggieri, directeur général de Nexity. Puis ce sera Emap-Mondadori, sous Arnaud de Puyfontaine, pour diriger la presse auto et la régie. Après Europe Assistance, il arrive à Publicis pour diriger une dynamique Starcom avant de prendre la tête de Dentsu en 2012.
Et maintenant ? Tout en finesse et en élégance dans sa mise et ses jugements, ce fils d’instituteurs de l’Ain continue de voir large. Il ne rêve plus de grands groupes – « il n’est plus nécessaire d’être gros pour réussir » - mais d’apporter son expertise à des projets centrés sur l’éducation et le patrimoine. Par exemple, pourquoi ne pas revitaliser des territoires en déshérence en incitant les plus jeunes à les faire découvrir par l’image ? « Thierry Jadot est un artiste », conclut Véronique Reille-Soult. Un idéaliste aussi.
Parcours
1987-1988. Coopérant en Chine.
1990. Peugeot, direction du marketing international.
1998. Euro RSCG, direction de la filiale argentine.
2001. Crée sa société de conseil à Buenos Aires.
2003. Emap France, direction du pôle auto puis de la régie de Mondadori.
2007. Publicis, vice-président puis président de Starcom.
2012-2020. Dentsu Aegis Network France, président (+Belgique, Pays-Bas, MENA, Turquie).