Facebook ajoute un outil à son trousseau de lutte contre la désinformation: le réseau va désormais afficher en priorité les articles étayés, basés sur des informations de première main et écrits par des journalistes. Quand différents articles seront publiés sur la même nouvelle, l'algorithme repèrera celui qui « est le plus souvent cité comme étant à la source de l'information » et le fera apparaître en tête, a annoncé ce 30 juin le géant des réseaux sociaux, qui tente de purger sa plateforme de divers contenus problématiques.
Facebook s'attaque dans ce cas à la propagation d'articles et vidéos ne visant pas à informer mais à tromper ou à piéger les utilisateurs, à des fins politiques ou financières. Souvent présentés de façon sensationnaliste, pour générer des vues, des clics et des partages, ils peuvent avoir été produits par des fermes de contenus et peuvent se baser sur les reportages réalisés par des organes de presse ayant investi des ressources pour trouver les informations.
Facebook dit vouloir donner la priorité aux « couvertures originales de l'actualité », qui « jouent un rôle important pour informer les gens dans le monde, de la révélation d'une nouvelle aux enquêtes en profondeur, en passant par la découverte de nouveaux faits et données, la communication des informations les plus récentes en temps de crise et la diffusion de témoignages ».
La firme californienne traverse une passe difficile, accusée de laxisme sur la désinformation politique et les contenus relevant de l'incitation à la haine. Les accusations ne sont pas nouvelles, mais dans le contexte des manifestations contre le racisme systémique aux Etats-Unis, des associations ont appelé les marques à frapper là où ça fait mal: les revenus publicitaires.
Près de 200 marques, dont Coca-Cola, Levis, Unilever et Starbucks, boycottent désormais Facebook pour tout le mois de juillet, voire au-delà, et demandent à l'entreprise de revoir sa copie sur ce sujet.
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Le réseau social va aussi « rétrograder » les articles non signés ou dont les publications ne sont pas transparentes sur l'identité de leurs journalistes. « Nous avons établi que les publications qui ne fournissent pas ce genre d'informations manquent souvent de crédibilité et produisent des contenus juste pour obtenir des clics », justifie la plateforme au 1,73 milliard d'utilisateurs quotidiens.
L'annonce a suscité des réactions positives des observateurs, quoique souvent ironiques (« Marrant que tout ça n'ait pas été une priorité avant », remarque sur Twitter Gavin Sheridan, un ancien de Storyful).
D'autres pointent les zones d'ombre de la démarche, comme la difficulté pour l'intelligence artificielle de séparer le bon grain de l'ivraie. Un magazine réputé comme The Economist, par exemple, a pris le parti de ne pas signer les articles tandis que d'autres publications utilisent des pseudonymes qui ne sont pas un gage de fiabilité.
Il ne s'agit cependant pas d'une refonte en profondeur du fil d'actualité. La modification de l'algorithme ne concerne que les nouvelles, et le réseau social a précisé que les choix personnels des utilisateurs continueraient à primer.
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« La plupart des informations que les gens voient sur leur "news feed" viennent de sources qu'ils suivent ou de sources que leurs amis suivent, et cela ne va pas changer ». Certains journaux seront peut-être avantagés, mais dans de faibles proportions, d'après le réseau. En 2018, Facebook avait engagé une réorganisation majeure de son fil d'actualité qui, depuis, met l'accent sur les publications partagées par la famille et les amis, au détriment des sources d'information.
Mais pour une partie conséquente des usagers, la plateforme a supplanté la télévision et d'autres médias comme filtre d'accès à l'information. D'après une étude du Pew Research Center réalisée en 2019, 55% des adultes américains consultent l'actualité « souvent » ou « parfois » via les réseaux sociaux.
La prise de conscience de cet enjeu, et de la responsabilité d'un mastodonte comme Facebook, est arrivée en 2018, quand ont éclaté les scandales sur les scrutins électoraux de 2016, marqués par des campagnes de désinformation de grande ampleur, pilotées de l'étranger. A l'approche de l'élection présidentielle américaine, le géant californien a déployé un arsenal de mesures, de la cybersécurité au renforcement des règles de modération, pour éviter un nouveau scénario catastrophe.