Depuis le début de la pandémie du Covid-19, les réseaux sociaux – au-delà d’une fréquentation en très forte hausse – ont non seulement prouvé leur caractère très social, avec leurs usages habituels d’échanges et d’interactions, mais ils ont également été le lieu de nouveaux usages. Ils ont permis d’éviter la rupture de liens en rapprochant ceux éloignés dans l’espace. Ils nous ont permis d'être ensemble virtuellement, de créer un langage tentant d’exprimer des émotions variées. On a pu rire sur WhatsApp, apprendre en live, comprendre en visio et partager nos feeds d’intimité.
Plusieurs phénomènes ont vu le jour ces dernières semaines sur les réseaux sociaux. Par exemple, dans le cadre d'un partenariat avec Instagram et l'OMS, l'influenceur Dude with Sign a capitalisé sur sa visibilité (6,4 millions d'abonnés) pour sensibiliser aux gestes barrières et aux consignes sanitaires. Il a ainsi réalisé une série de photos de ces fameuses pancartes mettant en avant les consignes sanitaires et incité à suivre le compte de l'OMS pour rester informé.
12,3 millions de personnes ont aussi assisté à un concert de Travis Scott via Fortnite ; des librairies ont redémarré une activité commerciale en proposant à distance des sélections de livres, et sans doute sauvé ainsi des emplois ; 255 000 personnes se sont abonnées au compte Instagram « Tussen Kunst & Quarantaine », grâce auquel de nombreux individus de par le monde ont reproduit en confinement des mises en scène de tableaux célèbres. Pour sa part, SOS tissu, qui n’existait pas avant l’épidémie, a mobilisé particuliers et professionnels du tissu, puis 60 couturiers pour fabriquer plusieurs milliers de surblouses pour des soignants d’hôpitaux de Seine-Saint-Denis, un département durement touché par l’épidémie. Des internautes ont aussi empilé des livres sur la tranche pour créer des messages absurdes, poétiques, humoristiques... Les exemples sont nombreux.
Changement de posture
Qu’est ce qui se joue ici ? Un changement d’échelle. Le digital est un média local et les médias sociaux le relais direct. La crise l’a confirmé, de gré ou de force. La fréquentation a logiquement explosé avec le confinement, mais le plus remarquable, c’est que l’engagement a suivi cette tendance. Les utilisateurs ne se limitent plus à consulter mais agissent et interagissent fortement sur le digital : prise de contact sur les réseaux sociaux, consultations directes, achats simplifiés.
Se joue alors un changement de posture par rapport au contenu délivré. Ce contenu créé et diffusé par les internautes, les musées, les entreprises et les institutions, est un matériau d’échange. C’est une forme de monnaie sociale dont la valeur est basée sur les interactions dans un groupe, l’appartenance à une communauté et la participation à diffuser de nouveaux contenus. C’est dans ce cadre-là, maintenant, que s’insère la communication des marques : la capacité à faire échanger, participer sur leurs actions et leurs valeurs. L’humain est un animal social qui a un besoin d’échange et d’interactions. Ce qu’il partage et qu’on partage avec lui est un acte de sociabilité, rendu plus visible par le digital.
C’est bien cette action qui sera déterminante : comment se rapprocher de ses clients, confirmer un sentiment ou rassurer sur la qualité de la relation avec les marques. Les marques auront pour obligation d’apporter des preuves plutôt que des promesses, d’avoir une raison d’être à la hauteur des impératifs et d’exprimer, au-delà de leur territoire de communication, une véritable capacité d’engagement. Beaucoup de marques le savaient déjà, toutes devront admettre que c’est désormais un paradigme et qu’à ce titre, l’engouement relationnel des réseaux sociaux va durer. Espérons qu’un maximum d’acteurs de la société civile et de l’économie les intègreront dans leur stratégie, et prendront au sérieux ce besoin d’engagement émotionnel.