L'Assemblée nationale a voté un meilleur ciblage des contenus haineux en ligne qu'entend combattre une proposition de loi LREM, adoptée mercredi 22 janvier en nouvelle lecture. Controversé, le texte de Lætitia Avia prévoit que plateformes et moteurs de recherche auront l'obligation de retirer les contenus «manifestement» illicites sous 24 heures, sous peine d'être condamnés à des amendes jusqu'à 1,25 million d'euros. Sont visées les incitations à la haine, la violence, les injures à caractère raciste ou encore religieuses.
«Il peut apparaître que le champ infractionnel était trop large », a reconnu dans la nuit de mardi à mercredi le secrétaire d'État au Numérique Cédric O, après des recommandations de la Commission européenne. Les députés ont ainsi adopté un amendement du gouvernement excluant du champ de la régulation les contenus relatifs à la traite des êtres humains et au délit de proxénétisme.
Relayant des craintes d'associations, Raphaël Gérard (LREM) a appuyé cette dernière exclusion de contenus, soulignant qu'«un message à caractère sexuellement explicite ou publié par des associations de défense des droits des travailleuses du sexe (aurait pu) faire l'objet d'un retrait de la part des plateformes sans qu'il ne relève d'une activité illicite».
Le gouvernement souhaitait aussi initialement exclure du champ du texte le harcèlement sexuel, mais Lætitia Avia s'y est opposée. «Vous essayez de toiletter l'article 1er» de la proposition de loi face à un «risque d'inconstitutionnalité», a lancé au gouvernement Guillaume Larrivé (LR), opposé à la mesure phare d'obligation de retrait des contenus «manifestement» illicites, tout comme la gauche de la gauche, le Rassemblement national et une partie des centristes, au nom de la liberté d'expression.
« Règle spécifique »
Guillaume Larrivé a demandé que le Président de la République ou le Premier ministre saisisse le Conseil constitutionnel. Cette proposition de loi a suscité de nombreuses réserves, notamment du Conseil national du numérique, de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme, ou encore de la Quadrature du Net, qui défend les libertés individuelles dans le monde du numérique. Les députés ont en outre voté un amendement du gouvernement prévoyant une «règle spécifique», selon les mots du secrétaire d'État, pour les contenus terroristes ou pédopornographiques en cas de notification par les autorités publiques: le délai de retrait sera non plus de 24 heures comme actuellement, mais une heure. Ce délai est «matériellement impossible à respecter pour la grande majorité des plateformes Web», qui «n'auront d'autres choix que de fermer boutique ou de déléguer leur modération aux outils de censure automatisée fournis par Google et Facebook», s'est émue la Quadrature du Net dans un communiqué.
L'Assemblée nationale a adopté mercredi 22 janvier la proposition de loi à main levée. Le Sénat l'examinera à son tour en nouvelle lecture le 30 janvier, avant son adoption définitive le 11 février à l'Assemblée, qui a le dernier mot.