Audiovisuel
Autorisée dans les fictions depuis 2010, cette forme de publicité moins intrusive pourrait être ouverte aux programmes de flux par le projet de loi audiovisuel. Depuis un an déjà, de nouvelles possibilités s’offrent aux marques avec l’in-video advertising.

Des gobelets de la célèbre chaîne de fast food Dunkin’ Donuts devant les jurés d’America’s got talent, une cahute en bois aux couleurs des restaurants Applebee’s dans la dernière saison de Survivor ou encore des mixeurs Breville sur le plateau de Masterchef : la télévision américaine regorge de placements de produits. En France, cette forme de publicité considérée comme moins intrusive est autorisée depuis 2010 dans les films, les fictions et les clips. Mais le projet de loi audiovisuel, qui sera débattu à l’Assemblée au printemps, prévoit de l’élargir à tous les types de programmes, à l’exception de l’information, des émissions de consommation, des programmes jeunesse et religieux.

 

Un assouplissement qui pourrait rapporter jusqu'à 40 millions

« C’est quelque chose qu’on attend depuis longtemps », estime Jean-Dominique Bourgeois, directeur général de l’agence Place to be media, spécialisée dans le placement de produit à la télévision. « En 2010, on nous avait promis que si cela se passait bien sur la fiction, on étudierait une ouverture aux programmes de flux deux ans plus tard. C’est une bonne nouvelle pour les annonceurs et les producteurs de flux », ajoute le dirigeant. À l’inverse, le Syndicat national de la publicité télévisée (SNPTV) considère comme « sensible de mettre de la publicité dans des endroits qui en étaient jusque-là préservés dans la période actuelle où les téléspectateurs souhaitent moins de pression publicitaire », explique Antoine Ganne, son délégué général en charge des affaires publiques.

Présent dans la directive SMA que vient transposer le projet de loi, cet assouplissement pourrait rapporter jusqu’à 40 millions d’euros annuels, chiffre le Syndicat des producteurs et créateurs de programmes audiovisuels (Spect). Un marché que l’agence Place to be media évalue plutôt à une vingtaine de millions d’euros a minima, deux fois plus que ce que représente aujourd’hui le placement de produit dans les fictions. « L’ouverture au flux permettrait d’avoir accès à des programmes puissants et pour certains très spécifiques », note Jean-Dominique Bourgeois. Il est en effet facile d’imaginer le placement d’outils de jardinage dans une émission comme Silence, ça pousse ! sur France 5 ou de pots de peinture dans un programme de décoration.

Le texte présenté le 5 décembre en Conseil des ministres charge l’Arcom, qui réunira le CSA et Hadopi, d’en définir les modalités de mise en œuvre. « C’est important que les régies publicitaires des chaînes aient la maîtrise de la commercialisation de ces espaces. La publicité doit être vendue par une régie, c’est ça qui assure la cohérence pour l’annonceur et le téléspectateur », argue Antoine Ganne du SNPTV. C’est là tout l’enjeu de l’ouverture : qui en assurera la commercialisation ? Dans le système actuel, la régie valide bien le placement de produit dans une fiction, comme la direction des programmes du diffuseur, mais celui-ci est commercialisé par une agence spécialisée en lien avec la production. « Il n’y a pas lieu de changer de système de fonctionnement », estime Jean-Dominique Bourgeois, qui se dit « confiant sur le fait que le placement de produit sera encadré et surveillé de près pour ne pas arriver à des placements contre-nature ». Selon lui, « les mentalités en France sont très différentes des Etats-Unis ; les producteurs et les diffuseurs sont très vigilants et prudents ». Pour preuve : les placements de produits sucrés par exemple sont déjà la plupart du temps retoqués par les chaînes, assure-t-il.

En attendant, ce type de publicité indirecte continue de se développer dans les fictions. Place to be media a par exemple travaillé avec la société de services à la personne O2 pour installer une agence sur la place du Mistral dans Plus belle la vie. « La marque apparaît en fil rouge pendant une année au minimum. Ça permet d’entrer O2 dans le quotidien des Français », raconte Jean-Dominique Bourgeois. « C’est également une porte ouverte pour créer de nouvelles histoires au sein de la série grâce aux différents services proposés par O2 », précise un communiqué commun du producteur et de la marque. Guillaume de Menthon, le patron de Telfrance, estime que ce partenariat permet de « réaffirmer l'ancrage sociétal » de la série.

 

Plus maîtrisé en virtuel

Un autre type de placement de produit s’est aussi développé depuis un an en France, l’in-video advertising, le placement de produit virtuel, qui s’intègre en post-production. La start-up britannique Mirriad, l’une des rares entreprises à commercialiser ce format, travaille déjà avec TF1 sur Demain nous appartient, dans lequel Seat et Deliveroo ont déjà placé leurs produits. De son côté, France Télévisions a lancé la commercialisation de ses fictions avec Mirriad en novembre et, selon nos informations, M6 Publicité travaille aussi avec cette start-up sur la commercialisation de Scènes de ménage.

Avantage du placement de produit virtuel, des délais nettement raccourcis pour l’annonceur et une commercialisation non plus à la séquence mais à la seconde, comme l’achat d’espace classique. « Ce type de placement de produit offre une plus grande maîtrise à l’annonceur, qui sait exactement où il sera placé. En revanche, le placement de produit classique permet une interaction avec le produit, ce qui n’est pas le cas ici », relève le patron de Place to be média, qui représente Mirriad en France. Quelle qu'en soit la forme, les téléspectateurs n’ont pas fini d’en voir.

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