Géraldine Catalano, briseuse de clichés

On l’aperçoit assise à son bureau, silhouette de brindille dans la tour du groupe Amaury Media, en bord de Seine, picorant un sandwich devant son écran. Cheveu lisse, sage cardigan parme, minijupe moirée et des talons à la hauteur de son ambition. Elle tranche avec le cliché que l’on pourrait avoir de la manager d’un magazine sportif. C’est le premier poste d’encadrement de cette journaliste formée à Gala, où elle confessait les stars avec sensibilité. Elle a aussi publié avec Ariane Chemin une enquête sur la famille cachée de François Mitterrand avant de rejoindre L’Express.

« Petite souris »

Christophe Barbier, patron de son ex-journal, ne tarit pas d’éloges sur elle : « Elle a des qualités de fiabilité, de sérieux et de rigueur rares dans un métier où l’on pratique trop la coolitude. Elle ne bâcle jamais rien. Lorsque je lui suggérerais quelques changements, elle était chirurgicale sur toutes les petites modifications que je pouvais lui suggérer. Elle a une exigence dans son travail, qu’elle s’applique à elle-même comme une forme d’ascèse assez impressionnante. Et quelle endurance ! Elle travaille comme une petite souris, sans essoufflement. J’étais sûr que passé le bizutage des mecs auquel elle n’échapperait pas, tout se passerait bien ». Elle -acquiesce. « J’ai été hyper surprise par la proposition de L’Équipe. Mais je n’ai pas hésité à l’idée de pouvoir réinventer ce journal en équipe et d’y appliquer mes idées plutôt que d’exprimer mes frustrations devant la machine à café. »

Le pitch était clair : « Suite au virage numérique et à la clarification de l’identité du groupe, qui voulait accentuer le dialogue entre les supports, le magazine avait besoin d’un toilettage pour embrasser le monde d’aujourd’hui. » Elle remporte le challenge éditorial haut la main, imposant des enquêtes taboues sur les règles chez les championnes, l’homophobie ou le racisme. Le sujet sur les douches collectives vient de remporter le prix Varenne de la presse magazine. Quant aux fonctions hiérarchiques, elle les aborde « le plus sincèrement possible ». Elle a dû gérer la mutualisation des services mais préfère parler de transversalité et de passerelles. Sa recette ? « Être hyper blindée, hyper à l’écoute, ne pas avoir peur de dire ce que l’on pense mais de la façon la plus bienveillante possible. » La greffe a pris. La preuve ? Le magazine se maintient avec 221 000 exemplaires et – 3,3 % en DFP dans un environnement qui tutoie une décroissance à deux chiffres. Elle nourrit ses réflexions sur le journal par de longues marches à travers Paris, baskets aux pieds. « Un remède à tout », lâche-t-elle. Fille d’infirmière, son père mécanicien linotypiste aux Journaux Officiels rapportait de son travail nocturne L’Équipe, qu’elle dévorait tous les matins. Il est devenu recruteur au centre de formation de foot de Monaco. Pas étonnant qu’elle déteste les ghettos et que son insatiable curiosité soit le fil conducteur de son parcours.