Portait
L’animateur qui travaille parallèlement pour Lui, Europe 1 mais aussi RT France, cultive une image à part dans le paysage médiatique français. Le fruit d’une trajectoire singulière et d’une constance à sortir des chemins balisés qui fait parfois grincer des dents.

Essayer de cerner Frédéric Taddeï, c’est un peu tenter de déchiffrer une pierre de Rosette. Présente dans le paysage depuis des années, insondable au premier abord, elle recèle pourtant une foule d’enseignements de nature à éclairer son époque. Encore faut-il savoir la faire parler. Ce jour-là, alors que la canicule écrase l’atmosphère et l’actualité, l’animateur apparaît fidèle à son image, références ciselées et foulard immuablement vissé autour du cou. Un style d’intellectuel un rien dandy ayant contribué à l’image singulière que s’est construit le personnage, depuis ses virées nocturnes sulfureuses sur Paris Première jusqu’à l’approche historique d’œuvres majeures dans l’émission D’art d’art. Sans oublier le débat d’idées sous toutes ses formes, incarné notamment par Ce soir (ou jamais !).

Touriste à la télévision

« J’ai toujours dit que j’étais un touriste à la télévision et dans les médias. J’adore mais je suis un marginal et je n’ai paradoxalement pas vraiment l’impression de faire partie de ce milieu tout en le connaissant très bien. Ma carrière, en réalité, ce sont sept ou huit coups de fil », brosse d’emblée celui qui se fait successivement repérer par Jean-François Bizot, Natalie Boels-Kugel, Rachel Kahn, Jean-Luc Hees, Bruno Gaston ou encore Jean-Yves Le Fur. Le fruit également d'une formation postbac pas comme les autres. « Mes parents m’ont laissé la chance de ne rien faire. Ce que j’entends par là, c’est lire des livres, regarder des tableaux ou encore écouter de la musique pour tenter de comprendre le monde et ce que nous vivons », rappelle-t-il. Un profil atypique qui séduit et lui ouvre les portes de la radio et de la télévision. « Pour Paris Dernière, on a organisé un casting pour sélectionner celui qui incarnerait la relance de l’émission que j’avais créée. Il y avait Yvan Le Bolloc’h, Frédéric Beigbeder, et Frédéric Taddeï qui s’est imposé comme une évidence. Pendant huit ans, il est rentré dans les codes de l’émission tout en apportant ses qualités propres. Frédéric avait des théories sur tous les sujets ! C’est là qu’on voit qu’il a passé dix ans de sa vie à exclusivement se cultiver », relate Thierry Ardisson.

Autre qualités largement reconnues : sa capacité à ne pas prendre parti et à donner la parole tous azimuts. Au point de crisper les esprits les plus bien-pensants, à l'image de Patrick Cohen, qui n'avait pas hésité à accuser en 2013 Frédéric Taddeï d'inviter des « cerveaux malades ». « Je ne dis pas aux gens ce qu’ils doivent penser, dire et acheter », rétorque le premier intéressé. « Il permet à des personnes et des idées très diverses de s’exprimer, alors que lui donne finalement très peu son opinion. Au point qu’on ne pourrait pas dire réellement de quelle sensibilité politique il relève. Ce qui est sûr, c’est que c’est un obsédé de la liberté d’expression », complète Thierry Ardisson. « C’est un excellent animateur. Il a soif de connaissances, de partage de connaissances et de ce que les autres puissent accéder à la connaissance. À mon sens, il est du niveau d’un Jacques Chancel à l’époque », corrobore Pierre Berville, figure de la publicité française et invité de l’émission Interdit d’interdire sur RT France (Russia Today), animée par Frédéric Taddeï depuis la rentrée 2018. Une arrivée qui a fait couler beaucoup d’encre mais que le premier intéressé défend, y compris face à ses pairs les plus critiques.

Chèvre de monsieur Seguin

« Il a tenu bon envers et contre tout sur le service public. Mais, telle la Chèvre de monsieur Seguin, il a fini par se faire bouffer par le politiquement correct. Et s’il a rejoint RT, c’est parce que c’est la seule chaîne qui l’ait accueilli», éclaire Thierry Ardisson, quand l’animateur met en avant une autre réalité. « Animer des débats et faire une émission culturelle un tant soit peu ambitieuse, c’est difficile en ce moment. On observe une mode du débat populiste. Il n’y a pas que les politiques qui peuvent l’être, les médias aussi. C’est d’ailleurs la faiblesse de l’argumentaire des médias traditionnels, qui consiste à dire ‘‘On fait de l’information objective’’, alors qu’il s’agit d’une interprétation. En tant qu’animateur, je me suis mis à l’abri d’être considéré comme un journaliste. Mais cela ne veut pas dire que je n’impose pas une déontologie », ajoute celui qui est en couple avec Claire Nebout depuis plus de vingt-cinq ans. Et de conclure, franc-tireur, « j’ai l’inconscience tranquille. »

Parcours

1961. Naissance dans le 10e arrondissement de Paris.

1990. Crée le magazine Maintenant. Recruté par Jean-François Bizot sur Actuel et Radio Nova.

1994. Débuts à la télévision comme chroniqueur dans l’émission Nulle part ailleurs (Canal+).

1998. Remplace Thierry Ardisson dans l’émission Paris Dernière (Paris Première).

2002. Lancement de l’émission D’art d’art (France 2).

2005. Rejoint Europe 1 où il présente l’émission Regarde les hommes changer.

2006. Débuts à la tête de l’émission Ce soir (ou jamais !) sur France 3.

2007. Reçoit le premier prix Philippe-Caloni, attribué à « un journaliste ayant fait preuve de talent et d’éclectisme, en particulier dans l’exercice de l’interview ou de l’entretien ».

2011. Commence à animer l’émission Le Tête-à-tête sur France Culture.

2013. Retour sur Europe 1 pour animer le Social club.

2017. Remplace Frédéric Beigbeder à la direction de la rédaction du magazine Lui.

2018 Anime En ballade avec sur Europe 1 et rejoint RT France, où il anime l’émission Interdit d’interdire.

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