Suite de notre série d'articles rédigés par les étudiants de mastère 2 de communication publique et politique 2.0 de l'ECS (European Communication School). Ici, Claire Crépon se penche sur l'art du storytelling, que les hommes et femmes politiques ont appris à maîtriser. Jeux de rôle ou télé-réalité, ils n'hésitent plus à se montrer pour séduire les électeurs.

Les candidats à la présidentielle se sont pris au jeu de la télé-réalité. Le temps du «Vivons heureux, vivons cachés» est révolu. Aujourd'hui, il faut se montrer, s'épancher, se raconter. Le storytelling à la française touche nos hommes politiques. Il aurait été absurde de penser une minute étaler la vie privée de François Mitterrand et révéler au grand public sa fille adultérine! Les journalistes auraient subi les foudres de «Tonton»...
Aujourd'hui, c'est l'ère de l'hypercommunication. Les hommes et femmes politiques affichent leur vie privée et leurs états d'âme. Tous les candidats à l'élection présidentielle s'y sont mis.

Couples star

Les candidats à la présidentielle mettent en avant leur conjoint(e). Le couple Nicolas Sarkozy-Carla Bruni a longtemps défrayé la chronique. La naissance de leur fille, Giulia, en octobre dernier n'est pas passée inaperçue. Tout cela a pu être savamment utilisé pour la campagne du président sortant: des sorties ensemble au baiser volé sur le plateau de TF1.
Le couple François Hollande-Valérie Trierweiler est également devenu la cible favorite des journaux people. Chacune de leur sortie est traquée, chacun de leurs gestes affectueux mis en avant.

Mise en scène

François Hollande fait participer ses supporters à sa bataille contre les kilos superflus: sa perte de poids étant synonyme de reprise en main et de changement. Son slogan est «Le changement c'est maintenant», et il le montre physiquement! Maître de lui, il se présente comme capable de reprendre la France en main.
«Je suis un sans-culotte», affirme Jean-Luc Mélenchon, qui se sert du storytelling pour se créer un personnage. Extrême à gauche dans ses propos, il n'hésite pas à se créer la scène de son rôle: il prend même la Bastille le 18 mars 2012! Il se sert également de Twitter et des hashtags pour partager ses valeurs. Il a par exemple utilisé le hashtag #musulmandapparence pour réagir à la déclaration malheureuse du président sortant le 26 mars dernier: «Tous #musulmandapparence le 22 avril !». Son storytelling est différent des autres car il n'est pas basé sur sa vie privée mais sur sa lutte pour ses opinions.

Vie privée/vie publique

François Bayrou, lui, raconte sa jeunesse au cours de prises de parole télévisées ou sur son site Internet: «Après la disparition de son père, mort d'un accident du travail, il mène de front sa jeune carrière d'enseignant et la poursuite de l'exploitation familiale, à laquelle il participe toujours aujourd'hui» (source: Bayrou.fr). Cela le montre comme plus responsable aux yeux des Français, plus à même de prendre la France en charge.
Marine Le Pen ne manque pas de mettre en avant sa féminité dans ses discours pour s'éloigner de l'image négative de son père. Ainsi, le 5 avril dernier, lors de la conférence Présidenti-Elle organisée par le magazine Elle à Sciences Po Paris, la candidate du Front national parlait des difficultés des mères de plusieurs enfants en disant «moi-même, mère de trois enfants...»

Alors que les sondages (Opinion Way Fiducial pour La Croix, vague 4) de mars 2012 montrent que 67% des Français estiment que la campagne n'apporte pas de réponse proche de leurs préoccupations, les candidats utilisent le storytelling comme un moyen de se montrer sous un jour plus humain, plus proche.
A l'heure d'Internet, les candidats n'ont pas le droit à l'erreur et tous leurs propos sont vérifiés, analysés, critiqués grâce au «fact-checking», pratique de vérification des déclarations, afin de détecter les erreurs ou les mensonges des politiques. Leur programme n'est donc plus leur premier atout, et cela a un impact sur la construction de leurs discours. Il ne leur reste plus que l'humain et leur histoire personnelle pour séduire et se faire élire.

Mais les Français croient-ils vraiment à ces constructions? L'élection se fera-t-elle vraiment sur le candidat qui aura raconté la meilleure histoire?

Claire Crépon

 

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