C'est fait. La France a basculé dans le 100% numérique hertzien. Mardi 29 novembre, les derniers émetteurs analogiques hertzien ont été coupés dans le Languedoc-Roussillon et les départements d'outre-mer. Désormais, pour regarder la télévision avec une antenne râteau, il faut se brancher sur les ondes de la télévision numérique hertzienne, la TNT. Aujourd'hui, 97,3% du territoire national est couvert.
La TNT a révolutionné le paysage audiovisuel français. Les téléspectateurs ont découvert et adhéré à de nouvelles chaînes au détriment des «historiques». Celles-ci représentaient 88,5% de l'audience totale avant le lancement des nouvelles chaînes de la TNT, le 31 mars 2005. Un peu plus de six ans plus tard, TF1, M6 et consœurs ne rassemblent plus que 65,4%. Les petites chaînes de la TNT ont croqué près d'un quart du gâteau: 23,6%.
L'installation pérenne de nouveaux programmes est l'effet le plus visible de cette révolution. Le numérique a aussi offert une qualité d'image supérieure, surtout grâce à la haute définition (HD) où, en hertzien, seules TF1, France 2, M6, Arte et Canal+ sont diffusées dans ce standard. Le Languedoc-Roussillon, dernière région métropolitaine à éteindre le signal analogique, va d'ailleurs découvrir la HD sur la TNT grâce aux fréquences libérées.
Ce bon en avant technologique a donné un coup de fouet au renouvellement de l'équipement des foyers. Selon l'institut d'études GFK, depuis le lancement de la TNT en France, plus de 50 millions de récepteurs ont été vendus, dont plus de 30 millions d'écrans plats. En 2011, les ventes de téléviseurs devraient approcher les 9 millions d'unités.
Nouveaux appareils, nouvelles technologies et nouveaux usages aussi. Le numérique hertzien offre d'autres horizons. La première application sera proposée dès mars 2012 par la société TV Numéric, baptisé Selectv. Il s'agira d'un service de vidéo à la demande, disponible aussi via le satellite Eutelsat, fonctionnant de manière totalement autonome à Internet.
Relié à l'antenne râteau, le boîtier enregistrera sur les 500 Go de son disque dur les contenus cryptés diffusés toute la journée en hertzien, essentiellement des films et séries. Ces programmes, près de 200 heures, pourront ensuite être regardés par l'abonné quand il le souhaitera. Un système de «push» remplacera les anciens enregistrements par des nouveautés. L'abonnement mensuel s'élèvera à 12 euros. TV Numéric prévoit 600 000 abonnés dans cinq ans, dont 450 000 via la TNT.
Une technologie qui pourrait parfaitement convenir aux services de télévision de rattrapage des chaînes. Toutefois, celles-ci privilégient encore les accords, plus rémunérateurs, conclus avec les opérateurs ADSL. Même si, aujourd'hui, l'audience de la télévision rattrapage est mesurée par Médiamétrie, il ne faut pas s'attendre à voir ces offres (My TF1, Pluzz, M6 Replay…) via la TNT. «Internet ou les téléviseurs connectés sont mieux adaptés aux offres de télévision de rattrapage», estime Olivier Huart, président de TDF. En particulier pour les relations de facturation.
Un futur standard de transmission
La seconde innovation qui pourrait voir le jour l'année prochaine est le guide électronique des programmes (EPG, pour «Electronic Program Guide»). «C'est un serpent de mer», avoue Guillaume de Guerre, secrétaire général de TV Numéric. C'est une sorte de Télétexte amélioré pas encore exploité. Comme sur la mosaïque Canalsatellite ou des offres TV des opérateurs ADSL, le téléspectateur pourrait, d'un coup d'œil et d'un geste de télécommande, voir tous les programmes des chaînes de la TNT du soir ou des jours à venir. «Nous attendons des décisions du Conseil supérieur de l'audiovisuel à ce sujet, explique Guillaume de Guerre. Il faudra une cohérence dans les données techniques fournies par les chaînes». TV Numéric, qui aimerait gérer ce canal d'informations, construirait son modèle économique sur la publicité.
Car pourquoi ne pas envisager un «Allociné» de la télévision, où les chaînes pourraient présenter leurs meilleurs programmes grâce à des bandes-annonces. «Cela pourrait ressembler aux “Barker Channels”, ces canaux de promotion des chaînes présents à l'étranger», indique Olivier Huart, de TDF. «Des services pratiques, comme des informations, l'état du trafic ou la météo, peuvent aussi être envisagés, note Philippe Bailly, président-fondateur de NPA Conseil et auteur du livre Pour en finir avec l'exception culturelle (Editions Atlande). Dans quelques pays, des services administratifs sont également disponibles via la télévision.»
L'avenir des services supplémentaires de la TNT ne se fera qu'après l'arrêt d'une norme technique. Le HBBTV («Hybrid Broadcast Broadband TV») pourrait être le standard qui généraliserait la transmissions de données associées. «Il existe une grosse potentialité pour développer de nouveaux services à valeur ajoutée, mais il faudra régler la question du coût et du financement», affirme Philippe Bailly.
Toutefois, les nouvelles possibilités techniques de la TNT peuvent aussi être exploitées sans casser sa tirelire. Le numérique permet de proposer deux versions audio pour un même programme. C'est le cas pour les séries américaines, souvent disponibles en français ou en anglais. W9 en a fait autant pour le football. En 2011, la chaîne a proposé deux matchs du Paris Saint-Germain face à Lisbonne avec des commentaires en français ou en portugais. W9 a récidivé pour les rencontres du club parisien face à Bilbao: français ou espagnol. «C'est un service proposé vers ces deux communautés, mais plus que pour l'audience, cela permet, en exploitant pleinement les capacités du numérique, d'affirmer le caractère moderne et innovant de W9, estime Frédéric de Vincelles, le directeur général de la chaîne. C'est purement du marketing antenne.» W9 a même été plus loin pour un divertissement, Carrément 80. Cette fois, un canal audio proposait des commentaires décalés et humoristiques sur les artistes. «Cela ne nous oblige pas à un effort financier important», indique Frédéric de Vincelles, qui bénéficie pour ces initiatives d'un bruit positif sur les réseaux sociaux.
Mardi 29 novembre, à Montpellier, quand le ministre de l'Economie numérique, Eric Besson, a symboliquement allumé les dernier émetteurs numériques hertziens, il s'est projeté en 2020, avec des chaînes 100% HD, de la 3D et de la télévision en mobilité. Sans compter l'Internet mobile haut débit, la 4G, que les fréquences hertziennes de la TNT pourront aussi transporter. La mèche de la TNT n'est pas prête de s'éteindre.