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Le Nouvel Obs ne publiera plus ses petites annonces «coquines». Dans un contexte où les affaires de proxénétisme se multiplient, les publicités «roses» deviennent plus que gênantes.

N'écrivez pas au journal, il ne fera plus suivre. Inutile de compulser fiévreusement les pages du Nouvel Observateur. Pour les annonces «roses» de l'hebdomadaire, c'est le fondu au noir. Dans le numéro du 24 novembre, elles ont été supprimées. «La rédaction y était opposée depuis longtemps, mais c'est une page à laquelle on ne faisait plus attention, a déclaré la direction du titre dans la presse. Puis cela a été soulevé par Le Petit Journal de Yann Barthès, et Laurent Joffrin a décidé de la supprimer.»

Le 16 novembre, l'animateur de Canal+ avait en effet mis le directeur de la rédaction de L'Obs en difficulté: dans le numéro du 17 novembre, un article consacré aux rapports entre joueurs de football et call girls, issu d'un dossier intitulé «Pouvoir et prostitution» voisinait directement avec la page d'annonces «roses». Une certaine Irina y proposait ses services: «Irina, d'origine russe, pratique le massage naturiste chez elle ou se déplace». «Mais c'est une prostituée!» faisait mine de s'étonner Yann Barthès. Malaise.

«JF exotique propose détente naturiste sensuel body tropical.» On ne lira donc plus cette prose, souvent rédigée dans un sabir érotique non dénué de qualités poétiques ou comiques, c'est selon. La fin d'une époque pour Le Nouvel Observateur, dont le patron, Claude Perdriel, fut un temps le propriétaire du fameux 3615 code Ulla, un service de Minitel rose? «Au sein du journal, c'est un non-sujet», lâche un journaliste.

Un non-sujet qui représentait des revenus publicitaires compris entre 150 000 et 200 000 euros par an, «mais elles pouvaient éventuellement valoir une inculpation pour incitation au proxénétisme, et ne valaient pas la peine de risquer l'opprobre publique», souligne le journaliste.

Pour Le Nouvel Observateur, ce pan du portefeuille publicitaire reste anecdotique. «Mais dans certains magazines masculins, comme Entrevue, par exemple, ces annonces dites coquines font presque partie de l'éditorial», remarque Sophie Renaud, directrice de l'expertise presse de Carat. Incontournable incontesté de la petite annonce: Le Chasseur français (Mondadori France, DFP: 315 888 ex.).

Remontons... en 1885. «Les petites annonces existent depuis la création du titre, lancé par la Manufacture française d'armes et cycles de Saint-Étienne», raconte Antoine Berton, le rédacteur en chef du Chasseur français.«Puis après la Première Guerre mondiale, qui a détruit nombre de familles, les hommes et les femmes avaient besoin de se rencontrer, et les annonces matrimoniales se sont développées.»

Aujourd'hui, le mensuel contient toujours vingt pages de petites annonces. «Cela prouve la force du papier: même si les sites de rencontre se sont multipliés, on cherche toujours l'âme sœur dans Le Chasseur français», se félicite le rédacteur en chef.

Mais aux côtés des «Retraitée 65 ans, physique agréable, douce, féminine, coquette, recherche compagnon grand pour relation sérieuse, durable», l'on trouve un autre type d'annonces, beaucoup plus explicites, pour des services de téléphonie: «Les vieilles cochonnes se lâchent», «Elle sont lasses de leurs maris... et prêtes à tout pour prendre leurs pieds» (sic)... Ou lorsque les rêves d'amour éternel côtoient les plus bas instincts.

Là aussi, les masseuses naturistes et leurs consœurs pas farouches iront promouvoir leurs charmes ailleurs. «Nous allons créer une charte afin d'ôter ces images et ces textes dégradants, annonce le rédacteur en chef. On ne peut mêler recherche d'affection et annonces de cet acabit.» Et de rappeler que de nombreux lecteurs ont fêté leurs noces de diamant grâce au Chasseur français. Invincible Cupidon.

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