Un bulldozer est lancé. A son volant, trois animateurs jeunes, talentueux et, surtout, dotés d'une impeccable image de marque: Yann Barthès (Canal+), Stéphane Plaza (M6) et Frédéric Lopez (France 2). Ce sont les vainqueurs du cinquième opus de l'enquête Animat. Réalisée par Omnicom Media Group (OMG) et initiée en 2006 par Stratégies, cette étude analyse «l'image de marque» des animateurs de télévision au travers de seize items, positifs ou négatifs.
En 2011, ce trio de jeunes pousses, dont les valeurs étaient déjà perceptibles l'an passé, trustent la quasi-totalité des podiums positifs. Yann Barthès, le trublion du Petit Journal de Canal+, est le mieux coté sur les valeurs «dans l'air du temps», «innovant», «drôle», «dynamique», «dont je me sens proche» et «impertinent». Il reste le champion de l'image de marque, même s'il souffre toutefois d'une notoriété encore limitée auprès du grand public. Celle-ci est tout de même passée en un an de 44% à 49%.
«C'est une personnalité qui reflète des tendances sociétales fortes, estime Corinne Abitbol directrice générale du département études et recherche chez OMG. Il est l'animateur dans l'air du temps, qui dénonce le système bling-bling et pousse à un retour à la modestie», ajoute-t-elle. Jugé «impertinent» en raison de sa croisade contre les pouvoirs, Yann Barthès repousse tous les items négatifs en fin de liste.
Grâce notamment à Rendez-vous en terre inconnue, Frédéric Lopez s'est construit l'image du copain que l'on aimerait avoir. L'animateur de France 2, qui a abandonné Panique dans l'oreillette, apparaît en tête sur les items «chaleureux» et «convaincant».
«Encore un peu floue en 2010, son image s'est clarifiée en un an, observe Katrine Vincent, directrice d'études chez OMG. Frédéric Lopez surfe sur tous les critères positifs, sauf “drôle”, ce qui n'est pas gênant car ce n'est pas son territoire. Il a un regard bienveillant sur les gens et reste humble vis-à-vis des populations qu'il rencontre. Ce sont les autres qu'il met en scène, pas lui.»
Quant à Stéphane Plaza, il a mis moins de cinq ans pour passer du statut d'agent immobilier à star de la télévision. L'entraînant animateur de Recherche appartement ou maison et de Maison à vendre sur M6 est considéré comme le plus «sympathique». Après son passage comme candidat dans Pékin express, son taux de notoriété est passé de 60 à 69%. «Les Français se sentent proches de lui et lui confèrent une image parfaite, précise Katrine Vincent. Ses maladresses séduisent.» Ce voisin idéal prône aussi le retour des valeurs du bricolage.
Chez M6, Stéphane Plaza figure parmi les trois ou quatre animateurs les plus sollicités par les annonceurs. Il a prêté son image pour le site verandarideau.com et pour la Wii, la console de jeux vidéos de Nintendo, en duo avec Marc Rotenberg. Depuis mars, il est aussi l'icône de Mr Bricolage. «Notre identité de marque est la valorisation de l'habitat, et, dans ce cadre, le choix de Stéphane Plaza a été naturel, rapporte Frédéric Boucher, directeur marketing et communication de l'enseigne. Comme nous, il est proche des gens, populaire et direct.» L'animateur est la vedette de quatre films, les premiers d'une saga, signés Publicis Dialog et produits par M6 Créations.
M6, d'ailleurs, n'est jamais très loin de ses animateurs. «Nous vérifions la cohérence entre les demandes des marques et l'image de l'animateur à l'antenne, c'est une nécessité», indique Henri de Fontaines, directeur général adjoint de M6 Publicité, en charge des stratégies globales et de la création.
Chez M6, le couple chaîne-animateur est du genre fusionnel. «Un animateur est engagé pour un programme, mais il doit véhiculer les valeurs de M6, c'est-à-dire la proximité et la sympathie, explique Bibiane Godfroid, directrice des programmes de la chaîne. Un bon présentateur doit raconter une histoire au téléspectateur, mais il doit aussi rester à sa place et être en symbiose totale avec l'émission.»
Une stratégie qui n'est pas très éloignée ce celle de TF1: «Nos animateurs et animatrices sont comme des repères pour les téléspectateurs. Et leurs talents seront toujours couplés à un concept tout aussi fort», explique un porte-parole de la chaîne.
La vieille garde s'accroche
Mais Yann Barthès, Frédéric Lopez et Stéphane Plaza ne sont pas encore consacrés comme stars du petit écran que, déjà, pointent leurs challengers! L'enquête Animat révèle ainsi les potentiels d'un quatuor prometteur: Alessandra Sublet (France 5), Sandrine Quétier (TF1), Sandrine Corman et Jérôme Anthony (M6). «Ils apportent une certaine fraîcheur, de l'humour et de la proximité», estime Katrine Vincent.
Le baromètre Animat révèle aussi la montée en puissance de la pépinière M6. «A part Marc-Olivier Fogiel, que nous sommes allés chercher, nous avons toujours fabriqué nos stars, se réjouit Bibiane Godfroid. C'est un choix.»
Face à la montée en gamme des jeunes, la vieille garde est bousculée, mais n'a pas pour autant baissé les bras. Les stars des dernières éditions d'Animat sont toujours bien notés et, surtout, bénéficient d'une bien plus grande notoriété que leurs cadets. «Nagui, Jean-Luc Reichmann, Laurent Ruquier et Valérie Damidot sont bien installés dans leurs émissions, et conservent tous une image positive», note Corinne Abitbol. Toutefois, dix ans de jeux télévisés ont fait perdre un peu de terrain à Jean-Luc Reichmann. Et Valérie Damidot subit le phénomène de banalisation du thème de la décoration à la télévision.
Champion de l'Animat l'an dernier, Nagui voit trois animateurs le dépasser en image. «Il est chahuté dans son leadership, mais affiche un profil stable depuis plusieurs années, avec neuf items positifs et aucun de négatif», relève Corinne Abitbol.
L'essoufflement guette-t-il? France 2 vient justement de lancer un nouveau jeu pour son animateur favori. Depuis le 28 mars, Nagui présente Chéri(e) fais les valises!, à 19 heures. Pour la première semaine, le divertissement a réalisé une part d'audience moyenne de 13,9%, sans éclats. Il faut espérer que le titre du nouveau jeu ne soit pas prémonitoire pour son animateur.