«Allez les gars, il faut perdre les habitudes de la 2D!» Installé derrière un mur d'écrans et sa console vidéo, Laurent Lachand, l'un des réalisateurs du football sur Canal+, dirige ses cadreurs par micro interposé. Il est 21h40 ce samedi 20 mars. Depuis le car régie, stationné sous les tribunes du stade Vélodrome de Marseille, on entend les clameurs du public qui salue le second but de l'Olympique de Marseille face au Paris Saint-Germain. Le club phocéen remportera cette confrontation 2 à 1. Mais au-delà de l'aspect sportif, ce match de championnat de France était aussi le premier produit et diffusé en 3D.
Le car bleu d'AMP Visual TV ressemble à n'importe quel autre car de régie télévisuelle. Et, à l'intérieur, serrés comme dans une boîte de sardines, une vingtaine de techniciens sont à la tâche comme dans n'importe quel autre car régie. A une différence près: chacun porte une paire de lunettes noires. Ce camion est en effet l'un des rares équipés pour la production en 3D (il a d'ailleurs fait le voyage en Afrique du Sud pour la Coupe du monde). Les écrans de contrôle diffusant tout en relief, des lunettes spéciales sont indispensables pour apprécier la 3D.
Cet avantage, seulement une dizaine de milliers de foyers français équipés ont pu le suivre. Pour l'événement, Canal+ a investi 150 000 euros dans la production 3D. Une facture qui s'ajoute à celle, équivalente, destinée à produire le signal 2D… classique.
Adapter les stades
Car la 3D nécessite un traitement technique et éditorial particulier. «Il s'agit d'une nouvelle écriture», affirme François-Charles Bideaux, directeur de la production des sports de Canal+. Techniquement, le relief doit être géré au cordeau, afin de ne pas fatiguer les yeux des téléspectateurs. Un professionnel du cinéma - un stéréographe - veille à la qualité optimale du rendu 3D, en éloignant ou rapprochant les deux caméras nécessaires, sans toutefois accentuer à l'excès les effets.
Côté éditorial, le relief modifie aussi la production. Le nombre de postes est limité (10, contre 26 pour la 2D) et leur emplacement est différent, au ras de la pelouse et légèrement surélevés, la hauteur aplatissant les effets visuels de profondeur de champ. Ces contraintes devront être intégrées dans les futurs stades, comme celui de Lille ou de Lyon. D'ailleurs, des responsables du projet lyonnais étaient venus tout spécialement à Marseille dans cette optique.
Support de communication
«Reste sur le joueur! Voilà... Fais entrer l'arbitre dans le plan maintenant», dicte Laurent Lachand. «En 3D, les séquences doivent être plus longues, commente François-Charles Bideaux. Mais il ne faut pas tout sacrifier au spectacle en relief. Nous devons préserver la lisibilité sportive du match.» Pour enrichir la diffusion, la 3D puise donc des images dans le dispositif 2D. En ce qui concerne les commentaires, en revanche, la 3D impose une seconde équipe de journalistes, les images diffusées étant différentes.
Pour Canal+, ce type d'expérience est un passage obligé. «On ne sait pas ce que la 3D va représenter dans le futur, mais il est important qu'une chaîne comme la nôtre expérimente ce mode diffusion au bénéfice de nos abonnés», confie René Saal, coordinateur du projet 3D chez Canal+. Le relief est aussi un prétexte de communication qualitative pour le groupe.
Sur sa chaîne 3D, disponible sur Canalsat, Canal+ propose au moins un grand film et un match important par mois en relief. En avril, ce sera le choc espagnol entre le Real Madrid et le FC Barcelone. Et en juin, les abonnés pourront aussi découvrir un spectacle d'un autre genre: le premier film pornographique en relief. Peut-être, là aussi, avec une nouvelle écriture...