télévision
Les chaînes d'info et les journaux télévisés sont confrontés au risque de dérapage en raison d'images piochées sur le Net et difficilement identifiables. Un problème que les rédactions tentent de limiter.

Avec 76 constatations de manquement à l'obligation de rigueur relevées en 2009 par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), soit plus du double de l'année précédente, les chaînes françaises nécessitent-elles un traitement de choc? Sont visés les informations erronées (comme une personne déclarée morte alors qu'elle ne l'est pas), le respect des victimes et surtout l'utilisation d'images truquées ou sans rapport avec le sujet traité. Tirées d'Internet et reprises parfois dans l'urgence par les JT, les vidéos véhiculées sont quasiment impossibles à vérifier.
Face à ces dérapages, le CSA oblige maintenant les chaînes à lire un communiqué à l'antenne en cas d'erreur. Au Festival international du grand reportage d'actualité et du documentaire de société (Figra), qui s'est tenu du 24 au 28 mars au Touquet, dans le Pas-de-Calais, producteurs et journalistes ont débattu du problème. «Nous partageons évidemment ce souci de rigueur, affirme Hervé Brusini, rédacteur en chef du journal de 20 heures de France 2. Je suis conscient du péril lié à la source des images. Mais ce problème est difficile à traiter dans certains contextes.» Ce fut le cas, par exemple, pour les manifestations iraniennes où des images estampillées Reuters se sont avérées avoir été réalisées au Honduras. «La difficulté est la traçabilité des documents, reconnaît le journaliste. Mais, quand on se trompe, on le dit à l'antenne, et on s'excuse. Le CSA ne le considère pas ainsi. Pourtant, je ne pense pas que nous sommes des adeptes du tripatouillage.»

«Dictature de l'actualité»

La Toile a ouvert le monde. Elle a également réduit le champ d'expression des journalistes. «Oui, j'ai peur des dérapages, confie Laurence Haïm, correspondante de Canal+ à la Maison Blanche, et qui était en compétition au Figra. Je laisse souvent des messages sur Twitter. Toutes mes informations sont sourcées et je reste dans un environnement hyperfactuel.» Selon la journaliste, les télévisions américaines font peu appel aux images d'Internet. «Il n'existe pas de CSA là-bas, mais les chaînes possèdent leur charte», indique-t-elle. Ainsi, chez CBS News, le son doit être celui de l'image diffusée et une manifestation fait obligatoirement l'objet d'un plan large et d'un plan serré.
Pourtant, si un code de conduite peut réduire les risques, il ne les élimine pas. La concurrence entre les chaînes et la course à l'actualité sont autant de facteurs potentiels de dérapage. Le sociologue Dominique Marchetti, spécialiste des médias, évoque une «dictature de l'actualité». «Par définition, le Web va très vite, note Hervé Brusini de France 2. Mais, ce n'est pas l'audience qui dictera ce que nous mettrons à l'antenne.» Le rédacteur en chef du JT de France 2 annonce d'ailleurs la mise en place d'une «méthodologie d'authentification» avec «une ou deux personnes du service politique étrangère chargées de vérifier les images internationales». Avec l'appui du cabinet Imca et de l'agence Citizen Side (détenue à 34% par l'AFP), la chaîne organise des formations en interne afin de «vérifier les adresses IP, évaluer la fiabilité des sites et contrer d'éventuelles manipulations», comme l'a déclaré à Télérama Étienne Leenhardt, responsable du service enquêtes et reportages de France 2.

«Le risque de dérapage est limité aux États-Unis car les présentateurs des grands réseaux sont des journalistes chevronnés, expérimentés et donc d'un certain âge, indique Laurence Haïm de Canal+. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée d'utiliser de jeunes confrères sous-payés.» Le communiqué brejnevien, une conséquence des soutiers de l'info?

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