Charlie hebdo va devenir le premier journal à adopter le nouveau statut d'«entreprise solidaire de presse», qui impose de réinvestir dans l'entreprise au moins 70% des bénéfices annuels, a annoncé vendredi 17 juillet à l'AFP son directeur Riss, confirmant une information de Stratégies. L'adoption de ce nouveau statut «devrait rassurer certains collaborateurs sur l'utilisation des fonds et des dividendes», a expliqué Riss, interrogé sur les tensions au sein de l'équipe ces derniers mois.
Une partie des salariés réclament une nouvelle répartition de l'actionnariat ainsi que des garanties sur l'utilisation des millions d'euros recueillis par le journal en aides, dons et abonnements. Les actionnaires ont aussi décidé de bloquer les 30% restants sans se verser aucun dividende.
Le statut d'«entreprise solidaire de presse» a été créé par une loi du 17 avril, dans le sillage de l'attaque jihadiste du 7 janvier qui a décimé la rédaction. Depuis, l'hebdomadaire est devenu un symbole mondial de la liberté d'expression. Le nouveau statut interdira par ailleurs toute prise de participations par un tiers: seuls les collaborateurs de Charlie hebdo pourront détenir des actions.
Le journal est actuellement détenu à 70% par Riss et 30% par le directeur financier, Eric Portheault, qui ont ensemble racheté les 40% que détenait la famille de Charb, assassiné le 7 janvier en même temps que les dessinateurs Cabu, Wolinski, Honoré et Tignous.
Etre rédacteur ou actionnaire
«Avec 100 000 exemplaires vendus et 210 000 abonnés, le journal vend suffisamment pour avoir une trésorerie positive, mais nous allons avoir de nouveaux coûts de sécurité», a expliqué le dessinateur. En octobre Charlie hebdo déménagera dans de nouveaux locaux sécurisés.
Riss, à plein temps au journal satirique depuis 1992, estime que le nombre d'actionnaires pourrait aller «jusqu'à 5 ou 6 personnes», mais écarte l'idée que tous les collaborateurs soient actionnaires. «Etre rédacteur est une chose, être actionnaire en est une autre», a-t-il relevé.
«Le vrai enjeu est de consolider le journal, de trouver de nouveaux dessinateurs avec l'esprit Charlie hebdo et un ton original, pour recréer un travail collectif, une bande, une ambiance», a-t-il estimé. Mais, s'est-il interrogé, «cet humour est-il celui d'une époque, d'une génération?». «Charlie hebdo a reçu beaucoup de dessins, mais pas toujours ce qu'on voulait. Certains dessinateurs ont peur, ils demandent à signer sous pseudo, m'interrogent sur les mesures de sécurité. Je dois les rassurer», a raconté Riss, grièvement blessé à l'épaule dans l'attentat.
«Quand nous vendions moins, nous étions plus tranquilles. Maintenant, tout le monde nous regarde, tant de gens attendent de nous un rôle, et tout peut toujours se reproduire. Mais nous ne pouvons pas abandonner ce journal. S'il s'arrêtait, ce serait une catastrophe pour la démocratie», a-t-il conclu.