Avec le projet Reaverse, MNSTR et Guerlain s’engagent dans la protection de la biodiversité grâce à des abeilles virtuelles. Une initiative pionnière qui remporte le Grand Prix Stratégies du brand content.
Dès le début 2021, chez MNSTR, on sent l’émergence du Web3 et le champ des possibles qu’il ouvre. « C’était juste avant le boom des NFT et du métavers, se souvient Simon Méchali, directeur associé de l’agence. Nous avions déjà quelques idées sur la manière dont Guerlain pouvait développer un dispositif de storytelling en intégrant des NFT, mais il ne fallait pas que cela se fasse de façon gratuite comme ont pu le faire d’autres marques. » MNSTR propose donc à son client un projet qui s’inscrit parfaitement dans l’ADN de la maison en s’appuyant sur deux de ses piliers : l’art et la RSE. La marque est en effet engagée de longue date d’une part dans le champ de l’avant-garde artistique, avec entre autres un partenariat avec la Fiac, et d’autre part sur les questions de protection de la biodiversité, notamment des abeilles.
Détourner les NFT
Un premier chapitre s’ouvre en novembre 2021 avec la vente aux enchères de quatre œuvres NFT au profit d’un projet de jardin expérimental de Yann Arthus-Bertrand. « C’était une façon de faire un premier pas vers l’univers du Web3 sans non plus le surinvestir, explique Louis Bonichon, cofondateur et codirecteur de création et innovation digital chez MNSTR. Cela nous a permis de préparer l’entrée de Guerlain sur ce territoire et aussi de connecter naturellement l’art et la RSE. »
Après cette expérience et alors que NFT et métavers sont désormais au centre de toutes les conversations, Guerlain et l’agence vont un cran plus loin et lancent un projet qui prend le contre-pied de la tendance tout en se servant de ses codes. « Tout le monde voulait avoir un espace dans un jeu vidéo, un morceau de terrain, poursuit Louis Bonichon. Nous, nous avons décidé de faire l’inverse et de proposer, au lieu d’un espace virtuel, un terrain bien réel : la vallée de la Millière, située à 50 km de Paris dans les Yvelines, un espace de 28 hectares créé par Yann Arthus-Bertrand. »
Des cryptobees uniques
Avec le projet Reaverse, les NFT permettant de financer le réensauvagement de la vallée prennent la forme de 1 828 cryptobees – 1828, comme l’année de création de la maison Guerlain –, des sculptures d’abeilles digitales. « On a modélisé en 3D l’abeille, emblème de Guerlain, et on a conçu avec le studio Bonjour Lab un algorithme d’intelligence artificielle pour créer les cryptobees, raconte Simon Méchali. On s’est inspirés de la géologie du jardin pour avoir une base de roche et de végétaux permettant d'aboutir à 1 828 abeilles différentes, avec quatre niveaux de rareté. » Chaque cryptobee est donc unique et elle correspond également à une parcelle de terrain unique, repérable grâce à ses coordonnées de latitude et longitude.
Pour aller au bout de la démarche et avoir une vraie cohérence globale, c’est la blockchain Tezos, la plus écoresponsable du moment, qui est choisie pour y proposer les NFT, à un prix commençant à 20 Tezos (environ 60 euros au moment de la mise en vente). Et à chaque revente, 15% du prix est reversé à l’association de la vallée de la Millière. La communication sur le projet se fait principalement via un compte Twitter dédié et le recrutement de la communauté se fait de façon très organique et affinitaire, permettant à Guerlain de se connecter avec de nouvelles audiences.
Au final, 1 200 cryptobees ont trouvé preneur et près de 100 000 euros ont déjà été reversés à l’association. Un chiffre pleinement satisfaisant pour Guerlain comme pour l’agence. « On a fait le choix de ne pas aller vers la communauté des spéculateurs : on a tout de suite expliqué qu’il n’y aurait pas de plus-value à faire sur les NFT qu’on allait vendre, précise Louis Bonichon. L’idée était d’enrichir la planète, pas l’acquéreur. La roadmap, c’est le terrain. On est en outre sur une temporalité calée sur la nature, loin des habitudes d’immédiateté actuelles. »
Aujourd’hui, la nature commence déjà à reprendre ses droits dans la vallée de la Millière, où de petits animaux retrouvent leur habitat. Et la communauté internationale des détenteurs de cryptobees peut constater régulièrement l’évolution du réensauvagement grâce à des photos prises par l’association. Avant peut-être prochainement de pouvoir visiter « leur » parcelle de terrain.
« Prendre le contre-pied du métavers »
Matthieu Nicou, chief digital officer chez Guerlain
« Guerlain est engagé de longue date avec Yann Arthus-Bertrand et plus récemment sur le projet de la vallée de la Millière. Reaverse s’inscrivait dans la continuité de cet engagement. Avec ce projet, nous avons vraiment pris le contre-pied du métavers, d’où son nom. Dans dix ans, ces 28 hectares auront pris une autre dimension, les gens auront participé concrètement à leur réensauvagement. Par ailleurs, l’histoire des cryptobees n’est pas terminée, d’autres projets sont à venir. »