Frédérique Giavarini a fait l’essentiel de sa carrière chez Fnac Darty dont elle a contribué à définir la stratégie RSE. En mars 2021, elle a pris la direction générale de Nature & Découvertes, enseigne rachetée par le groupe en 2019. Elle témoigne de la transformation du secteur de la distribution.
Nature & Découvertes a été pionnier sur le thème de l’environnement. Quelles sont les grandes dates de son histoire?
L’enseigne est fondée sur des engagements très forts. Dès sa création en 1990 par la famille Lemarchand, elle a publié une charte environnementale et dès 1993 le rapport Arc-en-Ciel qui était son premier rapport RSE, fait assez exceptionnel à l’époque, surtout pour une entreprise de distribution. En 1994 c’est la création de la Fondation, porte-étendard des engagements de Nature & Découvertes en faveur de la biodiversité et de l’éducation à la nature. La Fondation touche 10% du résultat net de l’enseigne chaque année et perçoit un euro sur chaque programme de fidélité pour soutenir des actions de biodiversité et de pédagogie auprès des enfants. On a embarqué nos collaborateurs en 2003 avec la création d’un réseau vert : dans chaque magasin, une personne se fait le relais des engagements de Nature & Découvertes auprès de ses collègues et met la fondation en lien avec des associations locales pour les soutenir. On a aussi embarqué nos clients avec le déploiement de L’Arrondi en caisse au profit des associations défendues par les magasins. Cela représente 6 millions de dons individuels depuis sept ans.
Tout cela nous a permis d’être la première entreprise du retail à être certifiée B Corp en 2015. On vient d’être reconduits pour la troisième fois l’année dernière avec des référentiels de plus en plus exigeants à mesure que l’on mûrit sur ces sujets. C’est tout l’intérêt de ces outils qui permettent de définir une feuille de route et des axes de travail.
Quelle est l’activité à plus fort impact sur l’environnement chez Nature & Découvertes? On pense spontanément au transport.
C’est une idée reçue. Cela fait longtemps qu’on a avancé sur ce sujet avec le passage à 100% de biocarburants pour les livraisons Paris et Île-de-France, la suppression du fret aérien sauf à de rares exceptions, le recours au train pour certains magasins. Le transport et l’énergie font partie des scopes 1 et 2 qui représentent nos émissions directes de CO2, mais 90% de l’impact vient du scope 3, c’est-à-dire les émissions indirectes, principalement les produits que l'on vend et marginalement les déplacements des clients. Parmi les produits, l’essentiel des émissions vient de leur fabrication, puis de leur fin de vie, de leur utilisation et enfin de leur transport.
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C’est donc sur la fabrication qu’il faut agir. Quelles sont vos solutions?
Nous avons créé un pôle innovation durable au sein de la direction de l’offre pour renforcer la durabilité des produits. Cela suppose de transformer la fabrication pour qu'ils soient moins impactants, plus réparables, plus circulaires. Toute notre offre passe au crible de 27 critères comme le bio en alimentaire, le bois FSC, le métal non issu de zones de conflits, le RPET…
Depuis cette année on mesure de manière précise le scope 3 des produits qui représentent la plus grande partie de notre chiffre d’affaires, ce qui permet aux chefs de produit de travailler avec les fournisseurs pour renouveler l’offre dans un sens plus durable. On a travaillé à la prémiumisation de notre offre et réduit progressivement le nombre de références sur les petits objets qui pouvaient ne pas correspondre à nos engagements. Et puis nous allons lancer en 2023 une plateforme d’expériences, ateliers do-it-yourself, sorties nature, micro-aventure… Nous allons faire évoluer progressivement le modèle économique de l’entreprise pour développer les ventes immatérielles.
Cette offre d’expériences doit représenter quelle part du chiffre d’affaires à terme?
Je ne peux pas le dire pour le moment.
Vous êtes arrivée à la tête de Nature & Découvertes il y a un peu plus d’un an. Quelles ont été vos premières décisions?
Il y a une vraie cohérence dans les engagements de l’enseigne depuis sa création, mais pour autant tout n’est pas fait à mon sens. En arrivant j’ai trouvé une formidable maturité, des gens très engagés à titre personnel, une direction des engagements qui porte beaucoup de sujets, mais j'avais le sentiment que cela dédouanait les directions du siège de leurs responsabilités au niveau de leurs métiers. On a mis en place la même gouvernance que chez Fnac Darty, en désignant des référents RSE dans chaque direction métier (entrepôt, offre, communication, RH, finance…), réunis dans un comité avec pour mission de construire une feuille de route et de l'animer au sein de leurs équipes. Cela permet d'infuser les problématiques pour que tout le monde se les approprie au sein de l'entreprise, mais aussi d’être beaucoup plus pertinent sur les sujets techniques et les actions concrètes.
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Les engagements RSE sont-ils compatibles avec les exigences d’un groupe coté comme Fnac Darty, qui demande une rentabilité élevée?
Etre rentable, c’est la première condition de la RSE. En tant qu’ancienne DRH, j’estime qu’on a avant tout une responsabilité sociale vis-à-vis de nos salariés. Ensuite le groupe Fnac Darty a toujours eu des convictions que ce soit en faveur de la culture pour Fnac ou du service pour Darty. Le groupe s'est défini une raison d’être, « S’engager pour un choix éclairé et une consommation durable », et a lancé l’année dernière le plan stratégique Everyday qui comprend tout un pan sur l’économie circulaire. Il est en train de changer de modèle économique autour de la réparation et de l’abonnement. S’il bénéficie de l’expertise de Nature & Découvertes sur l’énergie par exemple, il est aussi soumis en tant que société cotée à des règles de compliance qui nous font progresser. C’est une fertilisation croisée. Le fait de mesurer, de reporter, de communiquer est fondamental pour avancer sur ces sujets et les grandes entreprises avec tout leur écosystème de fournisseurs jouent un rôle clé.
À titre personnel, de quand date votre prise de conscience écologique?
J’ai grandi à la campagne, j’ai toujours été proche de la nature, je suis au 100% vélo à Paris. En famille, je milite contre le gaspillage alimentaire et pour le fait de mettre un pull en hiver au lieu d’augmenter le chauffage. Mais j’ai aussi grandi avec le groupe sur ces sujets, car j’étais plus sensibilisée aux questions sociales au départ. La première fois que vous entendez parler du bilan carbone, vous n’y comprenez rien et puis vous commencez à percevoir les gros leviers d’impact. Je recommande à tout le monde de faire son bilan carbone personnel sur le site de l’Ademe.
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Dates clés
1991-1997. Sciences Po Paris et DEA d’économie appliquée.
2000. Manager stratégie et organisation chez BearingPoint.
2007. Entre au groupe Fnac comme chef de projet à la direction de la stratégie.
2011. Directrice de la stratégie.
2013. Directrice de l’organisation, de la stratégie et des affaires publiques.
2014. DRH du groupe Fnac.
2016. DRH du groupe Fnac Darty.
Depuis 2019. Secrétaire générale de Fnac Darty en charge des RH, de la RSE et de la gouvernance.
Depuis mai 2021. Directrice générale de Nature & Découvertes.