Violife à la conquête du pays du fromage

Dans un pays qui compte plus de variétés de fromages que de départements, 1200 au total, le fauxmage, ou vromage, s’ajoute désormais à la liste. Présentée comme une alternative sans lactose au fromage, cette nouvelle variété existe sous plusieurs formes, crémeux, râpé ou en tranches, et imite presque parfaitement les saveurs des fromages les plus connus. «Trigger warning» pour les plus puristes : « Nous ne voulons pas être un copié-collé du fromage, nous préférons être une expérience qui soit différente, précise Charlotte Bouquet, chef de produit Violife. Que ce soit pour les intolérants au lactose, les religieux… »  À la place du lait caillé de vache, le fromage vegan est réalisé à partir de laits d’oléagineux comme le lait d'amande ou le lait de noix de cajou. À noter que ce dernier renferme des bactéries lactiques, idéal pour permettre la fermentation de la préparation et donner l’équivalence d’un fromage.

Parmi ces outsiders, une gamme de fauxmages tente une opération séduction auprès des lactoses addicts: Violife. Une marque créée il y a 30 ans dans le nord de la Grèce, à Drama, par un fondateur soucieux de l’environnement et de la santé, persuadé qu’un régime végétal serait meilleur. Aussi, il existe dans son pays des restrictions alimentaires durant des périodes religieuses où les produits laitiers notamment ne sont pas recommandés. Fabriquée chez l’industriel grec Arivia, Violife se fait racheter en 2019 par le groupe néerlandais Upfield, déjà propriétaire de nombreuses marques végétales, et continue de s’exporter vers d’autres pays européens. C’est en 2016 que la marque fait timidement son apparition en France. D’abord dans des magasins spécialisés bio et végétarien puis dans les GMS Casino, E.Leclerc, Carrefour et Système U dès l’année 2021. « Cette année, nous avons ajouté Auchan et bientôt nous devrions arriver dans de nouvelles enseignes », complète Charlotte Bouquet.

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Ces derniers temps, le régime végétal sort de son marché de niche, en témoignent les rayons des GMS de plus en plus investis par des produits labellisés végétarien, vegan… En 2020, l’enseigne grecque finissait l’année avec 1 million d’euros de chiffre d’affaires, en 2021 il passait à 4 millions et en 2022 un chiffre d’affaires à 7 millions d’euros est estimé. « Nous allons dépasser des pays comme la Belgique et l’Espagne qui avaient déjà bien implanté notre marque », se réjouit Charlotte Bouquet. À l’heure actuelle, leur clientèle se divise en trois catégories : « Selon nos statistiques, le premier tiers de nos consommateurs est composé d'intolérants au lactose, le second tiers mange de tout et le dernier tiers représente les vegans, les végétariens et les flexitariens. » Pour autant, les régimes sans viande restent encore à la marge en France avec seulement 2,2 % de la population qui se déclarent avoir adopté un régime pescétarien, végétarien ou vegan. Néanmoins, 24% des Français limitent volontairement leur consommation de viande et se classent parmi les flexitariens, selon une étude de 2021 menée par FranceAgriMer et l’Ifop.

« C’est plus compliqué en France, ça bouge, mais lentement comparé à l’Allemagne ou le Royaume-Uni. Depuis 2016, nous exerçons un travail de longue haleine pour nous faire connaître auprès du grand public. » Et les préjugés ont la vie dure. Le végétal n’est pas forcément accepté, parfois moqué. « C’est marrant, nous avons lancé une campagne digitale sur les réseaux sociaux et nous avons reçu des commentaires d’hommes assez accablants », témoigne Charlotte Bouquet. La France ne cesse d’en faire tout un fromage. Elle a d’ailleurs acté un décret qui à partir d’octobre 2022 obligerait les enseignes végétales à renommer leurs produits sans utiliser les appellations « steak », « lardons » ou encore « saucisses ». « Nous restons le pays sous la plus forte influence des lobbys de la viande et des produits laitiers comparé aux autres pays européens. » Mais les réactions des industriels du simili-carné ne se sont pas fait attendre. Le fondateur de la start-up française La Vie, Nicolas Schweitzer, a ironisé sur ce décret : « On va devoir appeler nos lardons “petits bouts roses végétaux” ? Ça va être compliqué. » Quant à la marque HappyVore, elle a détourné sur les réseaux sociaux ses campagnes prints autour de ses produits phares, ainsi une merguez végétale s’appellerait « une tige cylindrique à bout rond végétale et piquante ». De son côté, Violife avait déjà prévu le coup puisque les dénominations de ses produits jouent sur les goûts et les saveurs, « saveur cheddar », « saveur mozzarella », sans jamais parler de fromage.

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Même si leur communication se limite pour le moment aux réseaux sociaux avec des influenceurs issus de la communauté vegan, Violife continue de se faire connaître et travaille actuellement sur une campagne digitale avec l’agence Matriochka. « C’est lié à notre présence en GMS. Si demain je fais une campagne d’affichage dans toute la France et que le consommateur trouve difficilement notre produit, ça n’irait pas dans notre sens », accorde la chef de produit. Un énième levier que la marque pourrait actionner ? L’écoresponsabilité. En collaboration avec Quantis, une société de conseil en développement durable, Violife a calculé l’impact environnemental de huit de leurs produits en Europe, comparé à celui des fromages laitiers. De l’approvisionnement des ingrédients à la création des produits, en passant par le transport, l’emballage, la distribution, l’étude montre que les produits Violife ont 50% d’empreinte carbone en moins que le fromage. Peut-être un nouvel argument pour séduire une nouvelle communauté soucieuse des questions environnementales.