Les marques multiplient les incursions sur les plates-formes proposant des expériences « métavers ». Si tout n’est pas encore au point, il est déjà grand temps de prendre ses marques et de préparer le terrain...
Les expériences dans le métavers sont-elles à la hauteur des attentes ? Carrefour l’a cru mais mal lui en a pris. Son essai de prise de contact avec des candidats a vite tourné court faute de maîtrise technique suffisante. Pour autant, cette voie continue d’être explorée. L’agence Bem Builders a conçu pour l’enseigne de grande distribution une expérience qui a pour but de contribuer à la sauvegarde des abeilles. « Cela passe par une expérience « play to learn » où il s’agit de découvrir des initiatives permettant de préserver les abeilles mais aussi des expériences play to earn. Lesquelles permettent de gagner des GEMs puis des NFT afin de susciter des donations à la Fondation de France qui finance les initiatives pour protéger les abeilles », explique Neal Robert, co-fondateur de l’agence Bem Builders. Objectif final : créer une communauté, dont les échanges peuvent aussi avoir lieu sur Discord. « Le but est de créer une expérience plus complète avant de ramener la relation dans le monde physique, précise Neal Robert. Il faut créer des passerelles entre le monde physique et le métavers pour mieux engager et fidéliser. L’expérience doit devenir plus évolutive. »
Ce type d’expérience sur le métavers reste cependant beaucoup moins médiatisée que les concerts, les expositions artistiques, les défilé de mode, ou encore des jeux. Rien de surprenant selon Neal Robert : « Les événements les plus marquants du métavers sont ceux poussés par des marques car elles ont déjà une cible. L’émergence des défilés de mode dans le métavers tient à ce que les marques de luxe sont déjà très présentes dans les mondes virtuels. » Selon toute vraisemblance, ces marques disposent déjà de fortes communautés pour les attirer dans le métavers. Reste à savoir quelle expérience sera la plus à même de drainer l’audience et de la fidéliser… Prendre appui sur l’existant semble la stratégie suivie pour l’instant, indique Neal Robert : « Si la fashion week qui s’est déroulée sur Decentraland a été un événement aussi marquant, c’est parce qu’elle reprenait un événement déjà très connu dans le monde physique, avec des marques de luxe très connues, issues du monde physique mais aussi digital, et que la mode est un domaine dans lequel il y a beaucoup de créativité. »
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Attention toutefois au choix de la plate-forme, prévient Christophe Cousin, dirigeant de Win-Win, qui a notamment conçu une opération dans le métavers pour le Yacht Club de Monaco : « Il vaut mieux éviter les plates-formes actuelles qui vont taxer toute transaction, garder la maîtrise de la data et dont le respect du RGPD peut inspirer des inquiétudes. Sur les plus connues, la très grande part de la data restera inaccessible aux marques et elles devront payer pour accéder à une partie de ces données. » Que faire ? Tout simplement créer son propre métavers afin d'en contrôler le trafic, l'usage et la temporalité. Comment ? Le dirigeant de Win-Win conseille de recourir à un moteur de rendu et d’y ajouter une couche d'interaction afin de disposer d’une plus grande maîtrise des éléments de son univers virtuel et surtout de récupérer toute la data produite par les visiteurs.
Un nouveau champ des possibles s’ouvre qui va aussi transformer tous les événements, estime Neal Robert : « Les mondes virtuels vont permettre de repenser les codes actuels en usage dans les événements du monde physique. Pour ce qui est des défilés de mode, il sera possible de repenser les codes créatifs mais aussi les interactions et bien d’autres aspects. » Autre point capital : ce nouveau terrain de jeux a besoin de concepteurs. « Pour les agences, ce sera un terrain de créativité et d'inventivité comme elles n'en ont jamais connu, assure Christophe Cousin. Elles pourront aider les marques à se projeter dans un espace virtuel à partir d'une vision ambitieuse. »
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Le monde physique n’a dit son dernier mot pour autant. S’il reconnaît que « le métavers prendra certainement une place dans l’événementiel » et qu’il supprimera bien des avanies du monde physique comme le manque de places assises ou les cohues, Betrand Biard, président de Manifestory, rappelle que « Le virtuel ne doit pas être envisagé comme une réplique du réel mais être utilisé pour ses spécificités propres. Il exclut toute la dimension fortuite et multisensorielle du réel. Comment faire vivre dans le métavers le « reveal » d'un produit neuf par exemple ? L'odeur du cuir, le toucher du volant, tout ce qui fait l'émotion ne peut pas être présent dans le métavers. »
Le manque de sensations organoleptiques sera cependant un mal bien mineur en comparaison d’un autre : le contrôle total des utilisateurs. « Le métavers sera peut-être un monde très contrôlé, avertit Christophe Cousin. L'organisateur peut en effet décider qu'à telle heure tout le monde se retrouve dans telle salle de conférence... Fini le temps où des hôtes/hôtesses passaient dans les allées pour inciter les participants à rejoindre la salle... L'organisateur peut même décider de qui sera assis, à quelle place et à côté de qui. Il pourra même décider de qui rencontre qui... ou pas. » Autant de possibilités de contrôle qui peuvent présenter un attrait pour les marques soucieuses d'avoir une action efficace sur leur développement commercial. Elles peuvent aussi dissuader certains utilisateurs de s’aventurer dans ces mondes encore plus surveillés que le web actuel.
Le « droit de suite » ou les royalties du métavers
Pour Christophe Cousin, dirigeant de Win-Win, le métavers ouvre un nouvel avenir aux royalties. « Avec la blockchain, il est possible de créer des NFT (non fungible token) dotés d'un « droit de suite ». S'il est activé, ce droit de suite accorde au créateur et/ou vendeur initial de l'objet ou de l'œuvre physique ou numérique, un pourcentage sur les ventes futures de l'objet entre personnes qu'il ne connaît pas. C'est un autre moyen de générer une forme de royalties. Dans un NFT, « ce droit de suite » peut être modulé, c'est-à-dire que le pourcentage peut évoluer en fonction du rang de la transaction : le créateur initial peut ainsi prévoir de percevoir 40 % du montant lors de la première revente suivant sa propre vente, puis 30 % sur la suivante, puis 20 % et ainsi de suite. »