Brice André est directeur du packaging durable de L’Oréal, au sein du centre de recherches Pack Lab basé à Clichy. Il explique comment le groupe de cosmétiques s’efforce de réduire l’impact environnemental de ses emballages.

Que représente l'emballage dans l'activité de L’Oréal et quels sont vos objectifs de réduction ?

Brice André. L’emballage est un lien identitaire important entre une marque et le consommateur. Devant les enjeux environnementaux, il représente un levier d’amélioration de l’impact environnemental d’un produit cosmétique et c’est ce que le groupe L’Oréal fait depuis plus de quinze ans avec sa politique d’éco-conception des produits. L’emballage doit répondre à trois critères fondamentaux : il doit être désirable, performant et responsable. Dans le cadre de notre programme « L’Oréal for the Future » lancé en 2020, nous nous sommes engagés à réduire de 20% en intensité la quantité d'emballage utilisée pour nos produits d’ici 2030. Cela passe par la mise en place principalement de l’allègement et du réemploi. Par exemple, cette année, le flacon Elsève va être réduit de 20% en poids, permettant d’éviter 2000 tonnes de plastique par an, en association avec des recharges qui permettent de re-remplir le flacon.

La totalité de nos innovations ou rénovations de produits sont évaluées à l’aide de notre outil Spot (Sustainable Packaging Optimisation Tool), qui prend en compte l’ensemble du cycle de vie, des ressources jusqu’à l’utilisation et la fin d’usage. La diminution de l’emballage est un levier fondamental pour la réduction d’impact.

Quelle place occupe le packaging dans le cycle de vie des produits ?

Tout dépend de la catégorie. Si on prend un produit rincé comme un après-shampoing, l’impact environnemental de l’emballage représente 7% environ, alors que la phase d’usage du produit représente 70%, en raison de l’eau chaude utilisée pour le rincer. Alors que pour un parfum ou du maquillage, c’est plutôt 70% de l’empreinte qui provient de l’emballage. Lorsque l’on va penser diminution d’impact d’un produit, le plan d’action peut donc être différent selon la catégorie. Pour un soin rincé, on va travailler en priorité sur la rinçabilité, afin de consommer moins d’eau. Pour un parfum, la priorité va être de réduire le poids de l’emballage et de faire du réemploi. Par exemple, notre best-seller La Vie est Belle a réduit le poids de verre de ses flacons de 10 à 15% selon les formats, ce qui a diminué l’empreinte environnementale de ce produit. L’utilisation du flacon rechargeable de 50 ml de La Vie est Belle de Lancôme et sa recharge de 100 ml permettent une réduction de 50% de verre, 46% de plastique et 46% de carton.

Pour donner une vision globale, le groupe L’Oréal est très présent dans le capillaire, shampoings, après-shampoings, coloration, donc des produits rincés pour lesquels la phase d’usage est importante, ce qui n’empêche pas de travailler aussi sur l’emballage. En revanche, au niveau du maquillage, du parfum ou du soin, l’impact peut se situer surtout dans l'emballage, ce qui n’empêche pas de travailler aussi sur la formule. Nous prenons en compte toutes ces dimensions dans l’innovation packaging et formules. 

La recharge est une solution encourageante, mais les consommateurs sont-ils prêts à l’accepter ?

Le premier levier pour développer la recharge, c’est le prix. Il faut une différence de prix significative par rapport à un produit classique mais il faut aussi une expérience désirable pour déclencher l’usage. « Refill is the new cool » : cela passe par une gestuelle simple et ludique comme le système de remplissage que l’on utilise pour tous nos parfums. Nous avons créé un standard de recharge chez L’Oréal Luxe avec le même col pour toutes les références de parfums ce qui permet de faciliter l'usage du consommateur. 

En soin également, nous avons mis au point une même conception de recharge pour les marques Lancôme, YSL Beauté, Armani, Helena Rubinstein et c’est un défi car si le geste fonctionne sur les références installées qui ont déjà des clients fidèles, il est nécessaire d’accompagner les changements de comportement consommateurs pour développer cette tendance. En maquillage, les consommateurs peuvent être plus versatiles et changent souvent de produits alors que sur le soin, le capillaire, le parfum, on peut construire de la fidélité qui va encourager les recharges. 

Le vrac est une autre façon de réduire les emballages, mais L’Oréal semble plutôt réticent à s’y engager.

On y va en effet avec parcimonie en partie en raison des risques bactériologiques. À ce jour, nous avons déployé nos fontaines à parfums multimarques avec nos best-sellers dans 30 Sephoras. On ne peut pas distribuer pour l’instant en vrac tout type de galénique. Et pour que cela ait du sens aussi du point de vue environnemental, il faut de l’échelle, c’est-à-dire que les fontaines soient très utilisées. Si vous mobilisez des ressources pour une fontaine qui va être utilisée une fois par semaine, l’impact sera pire au final. 

Il faut prendre garde à tous ces modèles que l’on pense vertueux. La consigne par exemple ne fonctionne que sur un schéma local. Si vous achetez un produit à Paris, vous rendez le pot dans un magasin à Lille, s’il est renvoyé pour être lavé et rempli à nouveau à Vichy, et qu’il repart pour être vendu à Strasbourg… l’impact est énorme. Les analyses de cycle de vie permettent de démontrer que la consigne n’est valide qu’à condition de respecter une logique régionale où l’on ne dépasse pas un certain nombre de kilomètres parcourus. Attention aux idées préconçues. Le plastique a mauvaise réputation mais si on devait remplacer tout le plastique par du métal ou du verre, on pourrait être pire en termes d’impact, en émissions par exemple. Il faut utiliser moins de plastique, mais produire du meilleur plastique et favoriser l’économie circulaire.

Où en sont les recherches sur la captation de carbone ?

Il existe des techniques en cours de développement qui consistent à récupérer les émanations de carbone industrielles ou issues de biodéchets avant qu’elles ne se diffusent dans l’atmosphère pour les transformer en matériau. En utilisant des bactéries, on peut traiter ces émanations pour créer de l’éthanol, à partir duquel il est possible de faire de l’éthylène puis du polyéthylène. L’Oréal a noué un partenariat avec la start-up Lanzatech et Total pour fabriquer le premier flacon cosmétique à partir d'émissions industrielles de carbone. On voit de nombreuses initiatives. Cependant, avec toutes les solutions qui apparaissent, en tant que directeur international du packaging durable, je dois m’assurer que l’analyse de cycle de vie des nouvelles solutions est meilleure que celles qu’elles remplacent. Il ne s’agit pas d’introduire des techniques qui se révèlent pires que les précédentes.

Parcours

1999. Diplômé de l’Institut polytechnique de Grenoble. Entre chez L’Oréal comme ingénieur au laboratoire de compatibilité.

2002-2007. Développeur industriel L’Oréal Paris Soin et Maquillage.

2007-2011. Directeur manufacturing supply chain en Allemagne, L’Oréal Grand Public.

2011-2014. Directeur développement industriel, marques Biotherm et Helena Rubinstein.

2014-2017. Directeur développement industriel Asie à Shanghai, L’Oréal Luxe. 

2017-2021. Directeur des opérations du centre d’innovation, L’Oréal Luxe, et responsable développement durable pour la Corée du Sud à Séoul.

Depuis 2021. Directeur international du packaging durable. 

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