Xavier Desaulles, un voyageur à part

« Un homme de marque et d’organisation qui a la volonté de faire matcher les deux » : c’est ainsi que se définit Xavier Desaulles, dans le salon d’un de ses Adagio Aparthotel, au sud de la Porte de Versailles. On sent bien chez cet ancien de Rémy Cointreau et du Club Med que son expérience internationale le porte malgré tout un peu plus loin. L’appart-hôtel ? Il l’a découvert à Shanghai après s’être installé, à l’été 2019, dans la tour de l’actionnaire Fosun, à Shanghai en tant que CEO de la zone Asie du Sud-Est et Pacifique de l’entreprise présidée par Henri Giscard d'Estaing. « C’était très stimulant mais je n’ai jamais été aussi déstabilisé, rien que par le fait de ne pas comprendre la langue, se souvient-il. Moi qui étais habitué au top-down cartésien, je découvre le mouvement brownien et l’impression que tout se fait au dernier moment, miraculeusement. »

Expérience internationale

C’est alors qu’il réfléchit à la façon d’intégrer dans sa démarche le plan à dix ans que chérissent les Chinois qu’il se retrouve confiné, six mois plus tard, en plein covid. « On ferme alors tous les villages : c’est beaucoup de rigueur et beaucoup de souffrances ». Car en l’absence de soutien financier de l’État, les employés ne sont pas payés. Alors que sa famille est rapatriée en France, il fait l’expérience de l’appartement-hôtel où sa relation avec le staff humanise un séjour forcément éprouvant.

Deux ans plus tard, il démissionne de son poste axé sur la commercialisation des villages Club Med en Asie pour retourner en France où Adagio, coentreprise entre Accor et Pierre & Vacances, cherche son CEO. La marque a pour elle son leadership dans son domaine (20 % du marché avec 14 500 appartements, dont la moitié en France), sa profitabilité (15 % de marge grâce à des séjours moyens de 4 jours contre 1,7 en hôtel) et sa solide implantation internationale (130 sites en Europe, dont 49 opérés pour le compte de Pierre & Vacances).

Problème : l’entreprise ne bénéficie pas toujours d’une très bonne image, parfois associée à la périphérie des villes ou à des appartements vieillissants. En outre, elle a été éprouvée par le covid et doit malgré tout subir la concurrence d’Airbnb, même si elle fait la différence par son niveau de prestations. Lorsqu’il engage son plan Next Adagio, en juillet 2022, Xavier Desaulles peut néanmoins compter sur ses deux points forts. Le premier, bien sûr, tient à son expérience internationale, qui s’est forgée dans le succès à Rémy Cointreau depuis Singapour, lorsqu’il a développé les ventes pour tout le Sud-Est asiatique, après un poste de trois ans aux États-Unis. Une aventure qui s’est aussi, parfois, soldée dans l’échec comme cette tentative infructueuse d’implanter un brandy 100 % indien, en association avec Sula Wines. « Le prix du raisin s’est envolé », rappelle-t-il, en glissant : « J’ai adoré travailler en Inde, ce sont des gens très attachants mais qui demandent beaucoup de résilience. Tout est dans le gris et tout se discute après le serrement de main. »

L’autre point fort est à l’image de cette phrase : Xavier Desaulles est un observateur attentif, ce qui permet à l’organisateur qu’il est d’acclimater son regard. « Ce qui me sert, c’est l’art du questionnement », note ce diplômé de HEC et de l’Insead qui a suivi en parallèle des cours de philosophie à la Sorbonne jusqu’à la licence. Il aime la didactique et trouver les implications concrètes à ses vues d’ensemble en prenant soin, en bon Savoyard, de procéder par étapes.

« Prendre la lumière »

À Adagio, son plan vise à porter de 130 à 200 sites son réseau en Europe. Après l’Allemagne, le Royaume-Uni ou la Belgique, demain, l’Europe du Sud, et peut-être, en franchise, l’Afrique et l’Asie. Mais encore faut-il à cette entreprise de 1 200 salariés travailler sur sa notoriété et l’image de sa marque, la troisième d’Accor sur Booking après Ibis et Novotel. Il s’agit aussi d’inciter à la confiance les partenaires financiers, en particulier les bailleurs, alors que le groupe veut rénover 30 sites d’ici à 2028.

D’où un travail sur la promesse de la marque à travers une philosophie (« Rendre la vie plus belle en ville »), un slogan (« Here for you »), un logo et un « territoire émotionnel plus optimiste » que l’on retrouve à la fois sur une plateforme réalisée par Saguez & Partners, et sur une campagne de pub signée Josiane. Mais pour se faire connaître, Adagio n’hésite pas non plus à surprendre en signant un contrat pour figurer sur le voilier d’Éric Péron sur la course autour du monde de l’Arkea Ultim Challenge. « On veut prendre la lumière », résume Xavier Desaulles, qui a réalloué ses moyens en communication. Le groupe est aussi partenaire pendant deux ans de La Défense Aréna et se trouve, via Accor, engagé sur les JO à travers 41 sites, soit 3 800 appartements. Pour l’ancien du Club Med, qui a appris à augmenter la part de ses ventes directes via le digital, le défi est encore sans frontières.