Nespresso représente, en publicité, un cas d’école. Avant son départ dans quelques semaines à la tête de Nestlé Europe, son actuel dirigeant pour le monde, Guillaume Le Cunff, décortique le succès de la marque. Il dévoile aussi un nouveau partenariat dans l’événementiel. 

Vous vous apprêtez à prendre le 1er juillet la présidence de Nestlé Europe…

Je ne veux pas me précipiter sur l’étape d’après sans avoir clos le chapitre Nespresso. C’est une marque qui me nourrit intellectuellement, émotionnellement, depuis quinze ans. J’ai vu chez Nespresso le pouvoir d’une marque de réconcilier le consommateur et le citoyen. Ce pouvoir est d’abord une promesse de cohérence dans ce qu’on fait : une cohérence entre nos actions et nos interactions au sein de la chaîne de valeur, depuis la ferme, le fermier jusqu'à la tasse et même à l'après-café. Une cohérence quand on innove en lançant une capsule en papier compostable : on prend le temps de le faire bien pour garantir la promesse de la marque en termes de goût et être prêt sur l'après-café également (la partie compostable). Même George [Clooney, figure depuis 2006 des campagnes de la marque] est un choix de cohérence. Il incarne à la fois Hollywood et l'engagement citoyen.

Comment, en quatre ans comme PDG monde de Nespresso, avez-vous accompagné la transformation de la marque ?

Cette marque a plus de trente ans. J’ai été à son service depuis près de cinq ans, comme je l'ai été depuis le premier jour en tant que patron du marketing et de la durabilité [en 2007] avant d'aller aux États-Unis [en 2015, pour diriger l’entreprise sur ce marché]. Ce que nous avons amené en termes d’élévation de marque, c’est d’avoir été reconnu par le mouvement B Corp, qui est à la fois une reconnaissance de la marque et des gens. Quand B-corp dit « welcome », c’est une manière d’approuver qui vous êtes, comment vous vous comportez, votre système de valeurs. C’est la réconciliation entre employés et citoyens. Nous sommes aussi entrés dans le classement des cent marques globales d’Interbrand l’année dernière. Le fruit du travail des générations d’avant. Autre exemple, le lancement de capsules en papier compostable est un acte majeur qui n’oppose pas cette innovation à l'historique mais offre un choix nouveau dans l'après-café.

Tandis que le Festival de Cannes, dont vous êtes partenaires, a débuté le 14 mai, vous annoncez à Stratégies un nouveau partenariat avec les Rencontres économiques d'Aix-en-Provence, qui se tiendront début juillet. Pourquoi ce nouvel accord dans l'événementiel ?

La cohérence passe aussi par le dialogue, la transparence, l’ouverture. Il s’agit d’être présent en tant que leader de marque dans le dialogue citoyen pour parler des sujets qui nous touchent comme le changement climatique ou l’agriculture régénératrice. Ce partenariat se traduira par une participation à des tables rondes mais aussi la création de dialogue autour d’un café. En termes de durée, nous allons déjà regarder comment cela se passe cette année mais en général on ne s’inscrit pas dans le court terme. Avec Cannes – notre plus gros événement au niveau global –, cela fait quatorze ans. Cette année, c’est la douzième plage Nespresso. Nous y immergeons nos invités dans une collaboration inattendue avec Pantone.

Nespresso, c’est une saga publicitaire qui est un cas d’école… Quelle est la recette du succès ?

Je suis arrivé sur la saga sur le deuxième film et je vais la quitter sur le vingtième. Il y a plein de recettes dont une première, fondamentale, qui est l’autodérision. Vous avez une star hollywoodienne qui ne se prend tellement pas au sérieux, qui perd contre un café. Au début, l’une des clés du succès est que cela se passait dans une boutique, un univers qui était essentiel pour immerger l’histoire dans la marque. Puis on en est sortis et est arrivé un autre élément : les invités. Le premier était John Malkovitch, suivi par Jean Dujardin, Matt Damon, Danny DeVito, récemment Camille Cottin…

L’autodérision déclenche l’humour. En anglais on dit plutôt « wittiness », c’est-à-dire avec un côté impertinent. Il y a aussi une esthétique (celle de la boutique), un univers, un design, la présence du produit et de ses attributs (la machine, la crème…) au cœur de l’histoire, le double sens. Pour moi, le meilleur film à cet égard est le premier [sorti en 2006], quand on ne sait pas si la conversation tourne autour du café ou de George.

La dernière phase de la saga date de l’arrivée de Camille Cottin en 2022…

On parlait de cohérence tout à l’heure. Les invités, on en parle avec George. En général, ce sont des gens qui aiment bien la marque et puis il faut une alchimie. Il n’y a pas de casting, ce sont vraiment des guests de George, comme Jean Dujardin. Avec tous, la complicité dépasse le cadre d’une pub. La promesse de la marque est une promesse de goût et de qualité mais aussi la surprise, le style. Les guests cochent toutes les cases. C’est la même agence qui nous accompagne depuis le début, McCann, mais au-delà de l’agence, les gens à l’intérieur. C’est la même personne, Danielle Korn, qui gère les talents depuis 2006.

Comment l’ouverture à la concurrence vous a-t-elle conduits à réajuster le positionnement de la marque ?

Il y a d’un côté des invariables et de l’autre de l’innovation. Alors que la compétition s’ouvrait, nous sommes restés directement connectés à nos clients : cela n’a pas changé. Quand la compétition s’intensifie, la meilleure réaction à avoir en tant que marque est de donner plus de valeur à vos clients et d’innover. La taille de notre gamme de produits il y a quinze ans et à présent n’a plus rien à voir. Nous avons énormément accéléré notre rythme d’innovation. Par exemple, mettre au point la capsule papier nous a pris trois ans. Nous devions à la fois garantir la promesse de goût, être rétro compatibles avec la machine, résoudre des points techniques – utiliser 19 barres de pression sur une feuille de papier est une prouesse. Si on réconcilie tout cela, on a un produit que personne ne propose.

Comment ont évolué ces dernières années vos investissements publicitaires ?

Selon trois grandes étapes. En 2006, nous faisions surtout de la publicité TV. Quand les guests sont arrivés, nous avons fait des compléments TV ou digital. Nespresso, c’est peu de révolution, beaucoup d’évolutions. Puis nous sommes passés sur des versions [campagnes] beaucoup plus sophistiquées en digital. Il y a toujours le spot télé mais la déclinaison digitale en termes de variété, de longueurs de formats a beaucoup évolué. Depuis 2023, nous avançons en médias avec WPP OpenMind pour l’Europe – auparavant, c’était avec Publicis.

Chiffres clés

6,5 milliards d’euros. Chiffre d’affaires 2023.

14 000. Nombre de salariés.

80. Nombre de pays de présence. Le siège de Nespresso se situe en Suisse. Son premier marché est le marché américain.

800. Nombre de boutiques dans le monde, dont 50 en France, pays où la première a été ouverte. 

40. Nombre de personnes qui travaillent à la communication du groupe, sous la houlette de Mélanie Brinbaum, chief brand officer. 

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.

Lire aussi :