Quel héritage l’écosystème du sport attend-il des Jeux olympiques et paralympiques ? Guillaume Cossou, ancien champion du monde de karaté et aujourd’hui coprésident de Publicis Sport, s’est penché sur la question.
8 septembre 2024 : les Jeux viennent de se terminer, l’Équipe de France, portée par le soutien incroyable d’une France plus que jamais unie, a explosé le compteur de médailles, les Jeux paralympiques ont connu un succès phénoménal, de nouvelles icônes du sport sont nées et les parents se pressent dans les clubs de sport pour y inscrire leurs enfants qui ont vibré au rythme des médailles françaises : voilà ce que l’on attend tous ! Si l’on peut parier sur le succès populaire des Jeux, l’héritage pour notre pays et pour le sport reste un vrai challenge !
Tout d’abord, il faut rappeler que contrairement à ce que l’on pense, aucun pays organisateur des Jeux n’a réussi par le passé à pérenniser la place du sport sur son territoire. Un exemple ? Londres 2012 a été un succès phénoménal pour la Team GB mais derrière ? La pratique du sport n’a quasiment pas été impactée par les Jeux sur le long terme : 15,8 millions de personnes âgées de plus de 16 ans en Angleterre pratiquaient un sport pendant 30 minutes au moins une fois par semaine en 2015-2016 (36,1% des adultes). En 2005-2006, juste après que Londres a remporté l’organisation des Jeux, ce chiffre était de 34,6%. La pratique sportive des enfants est également restée quasiment stable (source Full Fact, 2016).
Pour Greg Nugent, ancien directeur marketing des Jeux de Londres 2012, « l’augmentation de la pratique est toujours complexe et difficile à gérer, elle est liée aux écoles, aux clubs et à toutes les autres distractions qui peuvent éloigner les différents publics du sport, comme les jeux vidéo par exemple ». Mais l’héritage ne se mesure pas uniquement dans la pratique. Greg Nugent rappelle que l’héritage des Jeux va bien au-delà du sport : « Toute une partie de l’est de Londres a été entièrement reconstruite grâce aux Jeux, Le tourisme a augmenté pendant des années après l’évènement, qui a offert au Royaume-Uni une plateforme unique pour se réinventer au niveau mondial. »
Héritage immatériel
Mais de tous les héritages, celui des Jeux paralympiques est probablement le plus marquant. Il y aura clairement eu un avant et un après Londres 2012. Pour Greg Nugent, aujourd’hui dirigeant de la société de production Harder Than You Think qui produit notamment le documentaire Netflix à succès Rising Phoenix, « Les Jeux paralympiques ont changé notre façon de voir le handicap. Ils nous ont donné une nouvelle perspective. Ils ont incité les patrons de grandes entreprises à réfléchir à une représentation efficace sur le lieu de travail. Ils ont eu un impact sans précédent dans l’histoire des Jeux. Je sais que les organisateurs de Paris 2024 sont tout aussi ambitieux et j’espère qu’ils iront beaucoup plus loin que Londres. »
Même volonté au Comité paralympique et sportif français où l’héritage est clé, pour sa présidente Marie-Amélie Le Fur : « Les Jeux nous permettent d’agir sur trois leviers qui sont : la valorisation des performances de nos athlètes pour que l’on arrête de parler uniquement de leur situation de handicap et que l’on se concentre sur leurs objectifs sportifs et leurs performances ; l’accélération de la pratique sportive pour les personnes en situation de handicap et la levée des freins à cette pratique ; enfin à plus long terme l’évolution de la place des personnes en situation de handicap dans notre société.»
Pour elle, les effets de Paris 2024 sont déjà perceptibles car ils ont favorisé le dialogue entre des acteurs clés tels que le mouvement sportif, les collectivités, le secteur de la santé, les acteurs du transport, etc. « Sans l’aura des Jeux, nous n’aurions jamais réussi à mettre autant le sport dans le parcours de vie des personnes en situation de handicap, poursuit Marie-Amélie Le Fur. Cet héritage immatériel qui se concrétise par une meilleure connaissance des acteurs entre eux et une volonté de mieux travailler ensemble aura un effet long terme. Cette transversalité des secteurs, c’est aussi ce qui demain va nous permettre de voir des nouvelles définitions de politiques publiques qui prennent mieux en compte la globalité des besoins et des freins. » Ce qui se joue cet été dépasse donc le simple cadre des terrains de sport, et pour grandir et trouver toute la place qu’il mérite dans notre société après les Jeux, le sport aura plus que jamais besoin du soutien du secteur privé. Qui lui-même n’a jamais eu autant besoin du sport pour rassembler, toucher des publics larges et donner vie à ses engagements RSE.
Penser à l’après
On le voit à l’aube de ces Jeux, le soutien des entreprises est primordial pour les athlètes de l’équipe de France. Sans partenaires privés pour financer équipements, déplacements ou même besoins du quotidien, le chemin vers le succès est compliqué, voire impossible. La Fondation du Sport et son pacte de performance permettant aux entreprises de soutenir nos champions a énormément contribué à les mettre dans de bonnes conditions pour aborder les Jeux. La création de teams d’athlètes par des partenaires des Jeux comme Visa, FDJ, EDF, Carrefour, Samsung, P & G, Sanofi, Allianz ou encore Accor est également un élément déterminant qui va permettre de booster l’exposition des athlètes avant et pendant les Jeux. Mais après ? Beaucoup de ces engagements s’arrêtent au 31 décembre 2024 et vont se poser l’inévitable question : comment pérenniser ces engagements pour que les Jeux soient un nouveau départ pour le sport en France ?
Pour Rachel Jung, ancienne athlète de haut niveau en aviron qui accompagne aujourd’hui, en tant qu’agent, douze athlètes olympiques et paralympiques parmi lesquels Anne-Cécile Ciofani, Nantenin Keita ou Claire Bové, « l'accompagnement des partenaires sera un enjeu crucial pour la suite. Cela fait trois ans que beaucoup d’athlètes, grâce aux sponsors, sont professionnels, peuvent penser à l’après-carrière, se structurer, développer des projets engagés ». Pour elle, il y aura forcément un avant et un après Paris 2024 pour le monde du sport : « Paris 2024 a fait évoluer le sponsoring. Aujourd’hui, les athlètes sont des ambassadeurs incroyables pour une marque. Ils sont engagés, ils ont une communauté sur les réseaux sociaux, ne sont pas clivants, leurs compétences sont diverses, leur puissance en interne ou en image impressionnante et ils sont financièrement accessibles pour beaucoup d’entreprises. »
Laisser une trace
Mais s’il y a un aspect sur lequel l’écosystème du sport doit être vigilant afin que les effets perdurent au-delà des Jeux, c’est la valorisation et la place du sport féminin. À l’occasion des premiers Jeux à afficher une stricte parité entre les femmes et les hommes, parmi les 10 500 athlètes qualifiés, on peut observer que beaucoup de teams d’athlètes de marques ont veillé à respecter la parité. « Avec mes athlètes, nous avons voulu à notre niveau faire progresser le sport féminin en France », poursuit Rachel Jung. « J’accompagne neuf athlètes femmes, dont sept médaillées olympiques et paralympiques. Et grâce à leurs partenaires, le prétexte du sport est un moyen de porter des messages forts qui manquent d’écho afin de donner plus de visibilité aux sportives et peut-être d’inspirer et donner la confiance aux générations futures. »
Chez les partenaires, on a conscience de l’enjeu et pour certains, l’après-2024 a toujours fait partie de leur engagement. « L’héritage n’est pas seulement important, il est essentiel, assure Juan Herrera, head of marketing de Visa France & BeLux. Nous sommes partenaire mondial des Jeux olympiques depuis près de 40 ans et premier partenaire mondial des Jeux paralympiques. Pour Paris 2024, nous avons déclaré notre intention de laisser un héritage dès septembre 2021, lorsque les Jeux de Tokyo se sont terminés et que l’attention s’est tournée vers Paris. » Visa a en effet été l’une des premières marques à annoncer ses ambitions pour Paris 2024.
« Nous avons fait une promesse simple et directe : les Jeux seront chez vous, mais pas sans vous. Cette promesse a été étendue aux communautés du département de la Seine-Saint-Denis, compte tenu de son importance dans l’organisation des Jeux et de notre conviction que nous avions une valeur à offrir pour permettre la participation des habitants du département à l’expérience Paris 2024. » Cette promesse de la marque s’est matérialisée par de nombreux projets tels que l’ouverture de centres sportifs pour les jeunes, la signature d’un partenariat avec l’Insep permettant d’ouvrir ses portes aux associations du 93, le mentoring de jeunes filles pour développer le sport féminin dans les quartiers, des expériences professionnelles pour de jeunes journalistes en devenir qui couvrent l’expérience Paris 2024 en partenariat avec Le Monde, etc. « Nous espérons que toutes ces initiatives auront un impact qui durera bien au-delà de la présence de la flamme à Paris » conclut Juan Herrera. Pour avoir la réponse, rendez-vous le 8 septembre 2024, date à laquelle tout l’écosystème du sport français devra se mobiliser pour continuer à faire vivre la flamme de Paris 2024.