Grand gagnant des Trophées Qualiweb, remis le 13 mars, Transavia mise pour sa relation client sur l’omnicanalité, la réactivité et l’innovation, notamment l’IA. Tour d’horizon de ses pratiques avec Cédric André-Masse, directeur de l’expérience client de la compagnie aérienne.
Une certaine idée reçue veut que Transavia, en tant que compagnie low cost, rogne sur ses coûts. Pas en matière de relation client, à en croire votre trophée… ?
Cédric André-Masse. Low cost ne rime pas avec low product. Nous souhaitons délivrer un produit avec la meilleure qualité. Nous nous voyons comme « low cost with care » : notre objectif est de délivrer le meilleur service client à des coûts limités et à des prix abordables. Nous investissons beaucoup sur le sujet car c’est un point différenciateur. Nous assumons totalement notre positionnement.
Comment s’organise précisément le service que vous dirigez ?
Le service client est réalisé par BlueLink, filiale comme nous d’Air France, qui opère aussi pour d’autres sociétés (American Express, Club Med, Devialet…). 450 conseillers répartis dans différents centres et fuseaux horaires dans le monde répondent à nos clients par téléphone, e-mail, réseaux sociaux, etc. Au siège, à cinq, nous nous occupons du pilotage de la stratégie et du staffing. Nous avons une activité saisonnière (nos interactions client doublent en été par rapport à l’hiver, à titre d’exemple, en 2023, nous avons enregistré 170 000 appels en juillet et 80 000 en novembre) donc nous validons aussi le niveau de staffing (450 personnes lors du pic d’activité contre 320 en hiver). C’est notamment le rôle d’Elise Alcaraz, responsable du service client, qui gère la relation avec les call centers.
Plus de la moitié de nos interactions temps réel se passent sur les réseaux sociaux, dont nous avons souhaité faire le canal préféré de nos clients, qui sont plutôt jeunes (39 ans en moyenne). Notre promesse est d’apporter une réponse en 30 minutes, bien en-deçà de la norme qui tourne plutôt autour de deux heures. Dans une logique de « phygital », l’idée est de rediriger vers le site internet pour satisfaire une demande d’information, ou vers une interaction humaine pour traiter les demandes spécifiques. Chaque année, nous opérons des évolutions en la matière.
Quelles sont les dernières nouveautés en date ?
Nous avons ouvert Instagram en privé en septembre 2023 – cela a pris extrêmement vite – et regardons pour 2024 d’autres canaux comme TikTok, pour du servicing, au-delà de ce qu’on y fait déjà en matière de push marketing. Début 2024, nous avons étendu notre amplitude horaire de réponse sur les réseaux sociaux (5h-23h contre 7h-23h auparavant). Cette extension accompagne l’augmentation de notre flotte qui a quasiment doublé depuis 2019, passant de 39 avions il y a cinq ans à 75 en 2024.
Quel conseil donneriez-vous à une entreprise qui hésiterait à utiliser WhatsApp pour sa relation client ?
WhatsApp est notre « réseau social » numéro 1 – nous le voyons davantage comme tel que comme une messagerie. Nous y sommes présents depuis 2016. Plus de 75% de nos interactions sociales sont réalisées par ce biais. Sur WhatsApp, les interactions sont simples. Cela permet de répondre rapidement à des dossiers. Cela correspond à une préoccupation de certains jeunes, qui n’ont pas forcément envie de téléphoner. Cela s’accorde au côté multitâche de nos quotidiens à tous aujourd’hui. On pose une question, on fait autre chose, on obtient la réponse. Un conseil ? Si besoin de faire du servicing, c’est un très bon moyen de réponse au regard du taux d’adoption. C’est un peu comme envoyer des SMS à sa famille ou à ses amis. C’est ancré dans une logique de dialogue. Cela permet de cibler à la fois du loisir et du corporate.
Quelle est votre vision de l’intelligence artificielle dans la relation client et comment, le cas échéant, l’expérimentez-vous en interne ?
Au vu notamment de la hausse en volume des demandes à traiter, nous regardons ce que l’IA pourrait nous apporter. Entre septembre 2023 et février 2024, nous avons mené et suivi, avec Elise Alcaraz, un projet pilote d’analyse des conversations. L’idée était de déterminer automatiquement les sujets abordés, leur tonalité, le respect des critères de qualité (accueil avec reprise du nom du client, reformulation de la problématique, prise de congé). Là, l’IA s’apparente à un outil de développement des compétences, qui nous permet à la fois de valoriser les équipes (montrer aux conseillers l’impact direct de leur travail, quand un client passe du stress au sourire) et de déterminer des axes de progrès.
L’IA peut aussi nous aider à déterminer la raison des appels client et les intentions. En la matière, nous souhaitons aller vers du temps réel. Comme toutes les compagnies aériennes, nous sommes soumis à des problématiques opérationnelles fortes pouvant évoluer à tout moment, en cas par exemple de survenance soudaine d’un conflit géopolitique ou d’aléa climatique majeur. Cela provoque un afflux d’appels de la part de personnes concernées par un voyage depuis ou vers la destination en question. Il s’agit avec l’IA de détecter des intentions inattendues pour mieux nous organiser, apporter des réponses plus appropriées et adapter le dimensionnement des équipes.
Quelles sont vos perspectives pour 2024 ?
Nous projetons une croissance du trafic de Transavia de 10 à 12% entre 2024 et 2025. Qui dit croissance dit augmentation des contacts client. Nous allons agrandir l’équipe – pas nécessairement à hauteur de ces 10%. Nous souhaitons utiliser l’automatisation pour éviter cette croissance linéaire. Nous aurons sans doute jusqu’à 470 conseillers en 2025.
Nous projetons aussi de travailler encore mieux l’omnicanalité. Nous allons nous doter de nouveaux outils pour identifier la façon dont un client nous a contactés, pour ne pas, par exemple, lui répondre deux fois s’il nous avait joints simultanément sur deux canaux différents. Sur les prochaines années, nous visons une meilleure intégration avec le programme de fidélité Flying Blue d’Air France-KLM. Nous voulons mieux reconnaître la fidélité au groupe pour pouvoir adresser les demandes de manière spécifique et prioritaire. C’est d’ores et déjà en place mais on veut le renforcer avec de nouveaux outils, par exemple pour reconnaître – avec son consentement – le numéro de téléphone d’un client Platinum.
Nous souhaitons enfin étudier les possibilités pour répondre aux avis laissés sur internet sur des sites comme TripAdvisor, qui constituent aujourd’hui pour nous un outil de veille, aux messages sur Apple Business Chat (d’ici à fin 2024 ou début 2025) ou encore aux commentaires sur LinkedIn.
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Chiffres clés
450 Nombre de conseillers en 2024.
75 Nombre d’avions en 2024.