Invitée de la première édition du Dircom Summit, la directrice de la communication de Radio France livre ses leçons de communication sur fond de lutte contre la désinformation.
Radio France est une institution respectée, France Inter est en tête des audiences, mais la confiance dans les médias est au plus bas. Comment gérez-vous cette situation ?
La question de la confiance est notre principale préoccupation. Elle dépasse les médias, mais elle se pose encore plus dans notre secteur qui est confronté aux fausses informations et aux tentatives de déstabilisation. Dans ce contexte, on ne peut pas demander aux gens de faire confiance aveuglément. Nous avons décidé d’être transparents sur notre manière de travailler. On a rendu publics les grands principes du journalisme à Radio France, fondés sur les faits d’une part, et la pluralité des points de vue d’autre part. On diffuse des vidéos « coulisses » sur les réseaux sociaux pour montrer la réalité du travail d’une rédaction, nos questionnements sur les angles, la hiérarchisation de l’information. On a prévu plusieurs rencontres avec les auditeurs en 2024, afin d’avoir un dialogue direct sur nos méthodes, et nous répondons à leurs courriers adressés à notre médiatrice des antennes. C’est une démarche d’humilité et de considération pour nos auditeurs.
En tant que service public de l’information, on vous demande des comptes. Comment répondez-vous aux pressions extérieures ?
Service public, de surcroît leader radio (France Inter, première radio de France depuis 2019) et podcast (près de 50 % des podcasts écoutés en France), on nous demande une exemplarité sans précédent. C’est légitime. Il n’en reste pas moins qu’en tant que communicante, je vois aussi les stratégies de communication à l’œuvre chez nos concurrents, qui se positionnent par rapport à nous, forcent certains traits quand cela les arrange, nous instrumentalisent… C’est sans doute de bonne guerre. Pour moi, tout réside dans le bon équilibre : ne pas tomber dans le piège de surréagir et de nourrir inutilement des polémiques, mais sentir aussi quand ça va trop loin et dire stop. Il faut un mélange d’instinct et de sang-froid.
Ce qui est sûr, c’est que cette maison est très « crisogène » parce qu’elle est très exposée. Il faut une résistance aux situations de tension. Ajoutez à cela le fait que c’est une maison où, par nature, la parole est libre : inutile en tant que communicant d’essayer de tout cadrer ou tout maîtriser. Nous sommes dans une forme de danse, où les « soft skills » sont au moins aussi importants que les « hard skills », avec pour objectif raisonnable que l’image de Radio France reste in fine positive.
En octobre 2023, vous avez traversé un scandale autour d’une chronique de Guillaume Meurice. Comment avez-vous réagi ?
C’est une situation qui se gère à plusieurs autour d’une table, il faut prendre en compte l’image de la maison, les valeurs du service public, mais aussi la liberté de caricature. Il n’y a pas de vérité absolue, il faut savoir écouter. On a reçu beaucoup de courriers d’auditeurs sur ce sujet, qui ont été déterminants pour évaluer l’effet de la chronique. Nous sommes un service public, à la fin nous œuvrons pour le public, et quand il exprime un malaise, il mérite d’être entendu. On en revient à la démarche d’humilité et de considération dont je parlais précédemment.