Les Jeux olympiques et paralympiques de Paris se sont fixé des objectifs ambitieux sur le plan environnemental, avec pour principal levier la politique d’achat. Une dynamique dans laquelle l’organisateur essaie d’inscrire les partenaires.
Paris 2024 s’est donné pour but de construire un « nouveau modèle […] de Jeux qui maîtrisent leurs impacts sur le territoire et sur la planète, des Jeux inclusifs et fédérateurs, des Jeux sobres et durables ». C’est ce que décrit Tony Estanguet, le président du Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (Cojop), dans le plan Héritage et durabilité. Il s’est engagé à diviser par deux l’impact carbone de l’événement. Et pour atteindre cet objectif ambitieux, le Cojop va actionner presque tous les leviers à sa disposition : intégration des principes de l’économie circulaire pour les constructions permanentes ou temporaires, approvisionnement en électricité renouvelable, accès aux sites en transports en commun, restauration saine et durable et objectif zéro déchet.
Initialement, le Comité d’organisation affichait la volonté d’organiser les premiers Jeux à impact positif, mais il a rapidement revu ses ambitions. « C’est comme dans le sport, compare Laurent Marchal, CEO d’Oxygène, cabinet de conseil en stratégie responsable. Plus on fixe une ambition élevée, plus le score final a de chances de l’être. » Pour Magali Tézenas du Montcel, directrice générale de Sporsora, « tous les événements sont sur la voie de la transformation environnementale ou sociale, mais Paris 2024 pousse les lignes plus loin. Et tout le sport français va en profiter. »
Achats
Le Cojop et la Solideo, l’organisme chargé des constructions d’infrastructures, donneurs d’ordre, peuvent agir essentiellement via leur politique d’achat. « C’est sans doute le levier le plus puissant pour faire évoluer un événement », souligne Laurent Marchal. « L’idée est d’entraîner toutes les parties en présence : acteurs publics et parapublics, mais aussi partenaires privés, explique Christophe Divi, fondateur de Transitions_2050, cabinet de conseil en projets de transition et ex-directeur d’ESS 2024, qui a déployé la stratégie d’achats responsables du Cojop. Paris 2024 a mis en place des critères de sélection exigeants sur la RSE, avec une pondération élevée dans la note finale, afin d’avoir un levier d’entraînement puissant. » Dans ses appels d’offres, le poids des critères RSE s’établit autour de 20 %, et jusqu’à 30 % pour la restauration des athlètes, alors que la moyenne sur des appels d’offres équivalents va de 5 % à 10 %.
Infrastructures
Le Cojop s’est intelligemment exonéré du risque de donner naissance aux fameux « éléphants blancs », ces infrastructures sportives démesurées délaissées une fois les JO passés. « La force de la candidature de Paris 2024 réside dans ce mix entre réhabilitation du patrimoine existant et structures éphémères », note Laurent Marchal.
Le seul équipement sportif créé spécifiquement pour l’occasion est le centre aquatique de Saint-Denis. Sa conception a cherché à être la plus vertueuse possible : une charpente permettant, par sa forme, de réduire le volume à chauffer et près de 20 % des besoins en électricité couverts par sa toiture photovoltaïque ainsi qu’une autre partie par la récupération de chaleur du datacenter voisin.
Le Village olympique, lui, est conçu pour s’adapter aux conditions climatiques de 2050. « Le réemploi de matériaux, l’utilisation de béton bas carbone ou de bois ont réduit de 30 % les émissions de CO2 liées à la construction par rapport à une opération classique », annonce le Cojop. « Les Jeux sont un formidable laboratoire à ciel ouvert pour tester des initiatives qui feront la construction de demain », se réjouit Laurence Pernot, directrice communication de Saint-Gobain, groupe qui a fourni les vitrages et les cloisons réutilisables du village des athlètes. Quant à l’approvisionnement des chantiers, il s’est fait par voie fluviale et le dernier kilomètre par camion au gaz, réduisant ainsi de 50 % les émissions de CO2.
Énergie
L’alimentation en énergie des Jeux est l’un des autres chantiers stratégiques. Enedis, partenaire de Paris 2024, raccorde l’ensemble des sites au réseau pour éviter l’utilisation des générateurs diesel habituellement employés pour l’éclairage des stades ou les médias. Un chantier qui devrait permettre de réduire de 80 % les émissions de CO2 liées à la consommation énergétique.
Transports
Rappelant que 70 % à 80 % de l’impact environnemental d’un événement sportif sont liés aux voyages des spectateurs, Laurent Marchal indique que « le seul point où l’organisateur peut agir, c’est sur la maîtrise du transport du dernier kilomètre ». Le Cojop s’est ainsi engagé à ce que l’intégralité des sites olympiques soit accessible en transports en commun. Mais l’idée de leur gratuité a finalement été abandonnée.
Alimentation
L’engagement est de proposer une alimentation certifiée à 100 %, dont 80 % d’origine France, 25 % à moins de 250 km des sites et avec 30 % des ingrédients issus du bio. Et ce, pour les 13 millions de repas servis au total pendant les quatre semaines d’épreuves olympiques et paralympiques, avec l’objectif de ne pas dépasser un kilo de CO2 par repas. Concernant la production à moins de 250 km, Timothée Quellard, fondateur du cabinet-conseil Ekodev, se montre sceptique : « À Paris, nos clients de la restauration collective ont déjà du mal avec des quantités bien moindres… »
Et les partenaires ?
Outre les actions menées directement par le Cojop, la question se pose pour les partenaires, associés en termes d’image à l’événement. « Paris 2024 joue un rôle incitatif : il donne à ses partenaires un cadre, une boîte à outils et il essaie de les embarquer à ses côtés », rappelle Christophe Divi. La charte Engagement responsable a été annexée à tous les contrats de partenariat, mais chaque partenaire applique ses propres critères. « Le sport est un bon vecteur pour partager de bonnes pratiques », estime Magali Tézenas du Montcel. « Est-ce vraiment vertueux de s’associer à une industrie qui propose des fontaines à sucre ? » égratigne Timothée Quellard. Avec Coca-Cola comme partenaire mondial, les ambitions du CIO sur le sujet sont plus modestes.
Quant au Cojop, il s’est engagé à compenser ses propres émissions de carbone. « Le montant de compensation est sujet à caution, pointe toutefois Timothée Quellard. Ils l’évaluent à dix euros la tonne, là où le prix du marché et les recommandations du Giec sont plutôt à cent euros. »