Pour la grand-messe télévisée du Super Bowl, finale du championnat de football américain, les annonceurs ont choisi de parier sur les célébrités et l'humour, évitant les sujets polémiques, au risque d'être noyés dans la masse.
Tous au Super Bowl ! Lionel Messi, Arnold Schwarzenegger, Jennifer Aniston ou Anthony Hopkins avaient tous rendez-vous le dimanche 11 février pour vanter qui de la bière, qui de l'assurance, qui du café ou une plateforme de livraison de repas. « Vous allez voir beaucoup de célébrités, parce que l'idée est que quelqu'un de connu va plaire au plus grand nombre », explique Larry Chiagouris, professeur de marketing à l'université Pace.
A l'ère du ciblage publicitaire, avec des marques gavées de données qui visent des publics sans cesse plus spécifiques, le Super Bowl, qui oppose, cette année, Kansas City à San Francisco, est une anomalie. « Aucune autre plateforme ne peut rassembler 100 millions de personnes en même temps », souligne Charles Taylor, professeur de marketing à l'université Villanova. Mieux, alors que l'époque est au visionnage passif, « ils vont regarder les pubs avec attention et ils sont prêts à en parler avec d'autres ».
Le dernier Super Bowl a été l'événement le plus regardé de l'histoire de la télévision américaine, avec 115 millions de téléspectateurs. Pour cette raison, le diffuseur CBS a pu facturer, en moyenne, 7 millions de dollars par spot de 30 secondes. En 2023, 59 réclames avaient été diffusées durant le match, soit plus d'une demi-heure de programme sur environ 3H30 de retransmission. La cerise sur ce gâteau déjà énorme, cette année, c'est la présence attendue de la chanteuse Taylor Swift, en couple avec le joueur des Kansas City Chiefs Travis Kelce. Les analystes de Morgan Stanley tablent sur un bond de 10% de l'audience grâce à l'artiste la plus populaire au monde.
Trop de stars ?
Autre carte maîtresse massivement jouée cette année, l'humour, quitte à aller loin comme ces deux mamies prêtes à tout pour récupérer un paquet de chips (Doritos) ou Anthony Hopkins en costume de mascotte d'une équipe de football anglais (SToK). Plus encore que lors des deux précédentes éditions, les marques cherchent à rester « dans les clous » et se tenir à distance de toute controverse, selon Larry Chiagouris. La stratégie d'une communication plus agressive, voire politique, tentée par plusieurs à la fin des années 2010, n'a pas été payante. « Les études montrent que, pendant le Super Bowl, les gens veulent se divertir avec la publicité, ils attendent de l'humour, ils aiment voir des célébrités, un spot un peu émouvant, pourquoi pas, mais rien de politique », selon Charles Taylor.
Certains ont passé outre, des particuliers fortunés qui n'ont pas d'objectif commercial. L'homme d'affaires Robert Kraft a ainsi acheté un espace pour son spot contre l'antisémitisme et David Green sur les valeurs chrétiennes. Le choix d'une vedette peut aussi donner plus d'impact à une campagne marketing autour du spot, avec l'appui des réseaux sociaux. Les bonbons colorés Nerds ont ainsi jeté leur dévolu sur Addison Rae, superstar de TikTok avec plus de 88 millions d'abonnés, qui a déjà posté la publicité sur son compte, avec 300 000 « likes » à la clef.
Plus fort, la chaîne de cafés Dunkin', met en scène l'acteur Ben Affleck décidé à se lancer dans la musique et prenant des cours de danse avec la tiktokeuse numéro un, Charlie D'Amelio, aux 152 millions d'abonnés, dont beaucoup de jeunes, une cible prisée des annonceurs. En 2011, seuls quatre films publicitaires diffusés pendant le match comptaient au moins deux célébrités. L'an dernier, le chiffre était monté à 22. Au milieu de ce déferlement de vedettes, la difficulté est de se démarquer.
Les deux rivaux Microsoft et Google ont choisi un ton plus sérieux, avec leurs spots qui mettent tous deux en avant le potentiel de l'intelligence artificielle (IA), leur terrain de bataille du moment. Pour Charles Taylor, les quelques publicités à message ont une chance de résonner auprès du public car elles sont peu nombreuses. Il mentionne notamment le savon Dove et un spot qui promeut l'estime de soi (body positivity) chez les jeunes sportives. Davantage que doper les ventes, un spot au Super Bowl permet de « construire une marque », selon l'universitaire. « Elles s'y retrouvent », assure-t-il. « Il se dit d'ailleurs déjà que le prix pourrait monter à 7,5 millions l'an prochain. »