Bilan très amer pour les soldes d’hiver qui n’ont, encore cette année, pas séduit les Français. Plusieurs organismes notent une baisse de 6% de chiffre d’affaires.
Les soldes d’hiver s’achèvent sur un bilan amer dans une période délicate pour le prêt-à-porter milieu de gamme, étranglé entre baisse du pouvoir d’achat et concurrence d’acteurs discount, et subissant des faillites en cascade.
En perte de vitesse depuis plusieurs années dans un contexte où les offres promotionnelles sont monnaie courante, les soldes ne séduisent plus et les professionnels demandent une refonte du système. Car sous l’avalanche des chiffres de l’édition 2024, le même constat : les soldes d’hiver, lancés le 10 janvier dans la majorité des départements français et qui s’achèvent mardi, ont été bien moins fructueux qu’en 2023. Le panel Retail Int. pour l’Alliance du Commerce, qui intègre une soixantaine de grandes enseignes (Jules, Monoprix, Levi’s, Promod…), fait état d’une baisse de chiffre d’affaires de 6 % par rapport à l’année précédente, sur les trois premières semaines des soldes.
Les enseignes indépendantes adhérentes de la Fédération nationale de l’habillement (FNH) rapportent une baisse de 6 % de chiffre d’affaires sur les deux premières semaines. Et le Syndicat des indépendants et des TPE (SDI) signale une réduction comprise entre 15 et 30 % du chiffre d’affaires lors de son bilan à mi-parcours des soldes.
Si le bilan est « très mitigé, variable selon les marques […], la saison restera mauvaise », prédisait fin janvier Yann Rivoallan, président de la Fédération française du prêt-à-porter féminin. « Cette tendance touche l’ensemble des segments, la mode femme, homme et enfant », remarque Pierre Talamon, président de la FNH. Or, le prêt-à-porter milieu de gamme se serait passé de ces mauvaises nouvelles, lui qui est secoué par une violente crise depuis plus d’un an.
Camaïeu, Kookaï, Naf Naf, Gap France, Burton of London, San Marina, Minelli, Don’t Call me Jennyfer, Pimkie… Ces enseignes bien connues des Français réduisent la voilure, sont placées en redressement judiciaire ou même parfois liquidées.
Perte de sens
« Depuis 2018, les soldes sont en baisse, (les commerçants) perdent de 1 à 2 % de chiffre d’affaires chaque année », a constaté Pierre Talamon. Les soldes ont « perdu leur sens » et se sont « démodés », noyés dans des promotions permanentes, selon le professionnel qui demande au gouvernement une régulation de ces rabais à tout va. Ce « désintérêt croissant au fil des années » est bien la conséquence de « promotions qui se sont intensifiées » - avec notamment l’arrivée de l’américain Black Friday - mais pas seulement, déclare Gildas Minvielle, directeur de l’observatoire économique de l’Institut français de la mode (IFM).
Le milieu de gamme, à qui profitaient les soldes, séduit bien moins, concurrencé par des acteurs discount à prix cassés toute l’année et la seconde main, un marché en pleine croissance. « Il devient difficile de trouver légitime désormais un prix non barré », selon Gildas Minvielle pour qui les « pistes sont brouillées en termes de repères de prix ».
De nombreux professionnels du secteur invoquent également un problème de calendrier, les soldes étant trop avancés dans l’année. Les commerçants ont à peine « le temps de vendre les vêtements (de saison) » qu’il faut déjà « les brader », explique Jean-Guilhem Darré, délégué général du SDI. L’organisation demande au gouvernement, de conserve avec la FNH, de repousser les dates des soldes, tandis que l’Alliance du Commerce prône le statu quo sur la question. Et, « cette année, il y a clairement un problème de pouvoir d’achat » dans un contexte inflationniste, a rappelé Jean-Guilhem Darré.
Ce dernier souligne également depuis plusieurs années l’importance de facteurs conjoncturels dans les mauvaises performances des soldes : les gilets jaunes en 2019 puis la pandémie de Covid venant perturber en 2020 les soldes d’été et en 2021 ceux d’hiver ou encore, en ce début 2024, le mouvement de protestation des agriculteurs bloquant la circulation routière.