En pleine semaine du Black Friday, les commerçants français sont vent debout contre une publicité anti-consommation de l'agence de la transition écologique, conçue par Havas Paris.
« Hésitez pas si vous avez besoin que je vous déconseille d'autres achats. » Le dernier spot de l'Ademe, qui met en scène sur un ton humoristique un «dévendeur» pour inciter à moins acheter neuf, ne fait pas rire les commerçants qui réclament son retrait.
Ce spot est l'un des quatre montrant des acheteurs potentiels d'un polo, d'une ponceuse, d'un lave-linge et d'un téléphone, dissuadés d'acheter au profit de ne rien acheter, de louer, de faire réparer ou d'acheter reconditionné. Ils mettent en scène un «conseiller atypique et pour le moins déroutant qui ne pousse pas à la consommation mais préfère questionner sur leurs besoins réels». La campagne, conçue par l'agence Havas Paris, doit être diffusée jusqu'au 4 décembre, précise un dossier de presse de l'agence de la transition écologique.
«Au démarrage d'une période d'activité essentielle pour l'ensemble du commerce, cette campagne traite de manière inconséquente et injustifiée du secteur du commerce, et en particulier celui de la mode», écrit dans un communiqué l'Alliance du commerce, qui regroupe grands magasins et importantes enseignes de l'habillement et de la chaussure, et représente 27 000 magasins. «Le secteur de la mode traverse ces derniers mois une crise exceptionnelle», souligne l'organisation qui évoque des dizaines de milliers d'emplois supprimés.
La campagne s'accompagne d'un site recensant des adresses pour louer ou réparer : epargnonsnosressources.gouv.fr. «Cette campagne sur la sobriété, ce n'est pas dire "acheter, c'est mal". C'est dire "acheter, ce n'est pas la seule solution"», a écrit sur X Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique, en relayant l'un des spots.
Pas de retrait pour l'instant
Voyant la polémique enfler jeudi 23 novembre, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a estimé sur Franceinfo que la campagne était «maladroite (...) vis-à-vis du commerce, surtout le commerce physique qui se bat et que nous soutenons, particulièrement en centre-ville». Pour lui, «c'est une façon de faire la promotion indirecte du commerce dématérialisé sur les plateformes», et c'est «regrettable». «Je crois profondément à la sobriété mais pas en prenant les vendeurs ou les commerces physiques comme cibles, et pas en culpabilisant», a encore ajouté Bruno Le Maire.
Mais Christophe Béchu a dit ensuite refuser de retirer les spots litigieux. Sur France Inter, le ministre de la Transition écologique a justifié cette décision : «que 0,2% du temps d'antenne publicitaire soit consacré à se demander si tous les achats sont utiles, franchement, vu les enjeux de transition écologique, ça ne semble pas déraisonnable.»
«Une campagne maladroite et stigmatisante»
L'Alliance du Commerce demande au ministre le «retrait immédiat» de la campagne. Dans un communiqué distinct, la CPME, organisation patronale qui fédère 243 000 artisans, TPE, PME et ETI, «demande l'arrêt d'une campagne de communication maladroite et stigmatisante envers les commerçants». «Une telle campagne à l'approche des fêtes de Noël est une véritable gifle aux commerçants qui subissent l'inflation de plein fouet et s'inquiètent d'une activité économique qui donne des signes de ralentissement», déplore l'organisation.
«Stigmatiser le magasin nous paraît particulièrement maladroit alors que le message devrait plus être tourné vers les plateformes telles que Shein ou Temu, qui se taillent aujourd'hui la part du lion, malgré l'absence de respect des règles sociales, écologiques, déontologiques, qui sont les nôtres», s'est alerté séparément Olivier Ducatillon, président de l'Union des industries textiles.
Contactée le 21 novembre par l'AFP, l'Ademe assume, et répond par la voix de son président, Sylvain Waserman : «Il n'y a pas plus local que l'emploi qui répare votre machine à laver, ceux qui vous louent une ponceuse dont vous n'avez besoin qu'une fois tous les 2 ans ou encore les nombreux commerces qui proposent des produits de seconde main.»