Enseigne bien connue des amateurs de sport en extérieur, Au Vieux Campeur s’affiche actuellement dans le métro parisien avec une publicité inspirée d’une campagne d’il y a près de trente ans, pour ramener à elle les urbains qui réfrènent des envies de grand air.

« Dans le monde de l’outdoor, tout le monde dit ‘‘Le Vieux’’», affirme un connaisseur, Rodolphe Cadoret, dirigeant cofondateur de l’agence de conseil en stratégie spécialisée dans le sport et le tourisme Codezero. Enseigne bien connue des amateurs de randonnée, ski, plongée et autres sports de plein air, Au Vieux Campeur, a.k.a. « Le Vieux », donc, s’est lancée en ce début d’automne un pari : celui de (re)parler à une clientèle urbaine et plus spécifiquement parisienne – la moitié de sa cinquantaine de magasins se trouve dans la capitale – « ayant envie d’outdoor sans le savoir », dévoile son directeur général, Aymeric de Rorthays. Depuis le 2 octobre et pour une quinzaine de jours, une campagne de communication s’affiche dans le métro de la capitale, ainsi que sur les réseaux sociaux de la marque où la suivent « plus de 80 % » de non-franciliens. Baptisée « Enfants du Vieux », cette campagne met en scène six personnes liées d’une manière ou d’une autre à elle, à savoir deux salariées, un client, deux alpinistes et une freerideuse. Autre particularité : elle reprend, sur la forme – choix du portrait, en binôme, de face, en noir et blanc – et avec le même slogan, une campagne de 1995 remise au goût du jour avec cette dimension de communauté, absente de sa communication à l’époque et que l’on voit fleurir assez régulièrement en publicité aujourd’hui. Une façon, tout en se renouvelant, d’affirmer ses valeurs de toujours, notamment l’authenticité, la fidélité, la durabilité. « La campagne raisonne avec son temps. Dans notre époque en quête de sens, il est bien vu [dans le sens de malin] de parler de filiation », estime l’expert de Codezero, avant de noter que cette stratégie « d’ambassadeurs » de marque est plutôt rare dans l’univers du sport, où les annonceurs préfèrent mettre en avant les athlètes. « Ce storytelling est loin d’être galvaudé, il est gage de crédibilité », analyse, de son côté, Aurélien Colin, fondateur d’Outdoor Perspectives, agence de marketing et communication spécialisée dans les sports outdoor.

Tout est parti d’un besoin précis. « C’est une campagne un peu clin d’œil pour toucher les parisiens qui veulent s’aérer l’esprit. Nous voulons rappeler que nous sommes l’enseigne de l’outdoor depuis toujours », détaille Aymeric de Rorthays, petit-fils du fondateur de la marque créée en 1941, entreprise familiale depuis trois générations. Autrement dit, marteler le message originel, qui n’aurait pas pris une ride. « L’idée, c’est de dire : ‘‘vous nous connaissez mais vous ne pensez pas à nous assez souvent. Revenez nous voir et ce que vous appréciez chez nous, vous le retrouverez’’. Beaucoup n’osent pas, de peur de trouver des produits trop techniques, trop haut de gamme. Or tout le monde peut être client du Vieux Campeur », développe le patron, à la tête aujourd’hui de 450 personnes.

Si l’idée est née en interne, l’enseigne s’est appuyée sur l’agence de stratégie, création et webmarketing lyonnaise Unboxed pour la production. Autre partenaire : l’agence AOP, pour les relations presse et la médiatisation du dispositif. Un shooting s’est déroulé à Lyon en avril. Aucun participant n’est là au hasard puisque chacun a une histoire avec « le Vieux » : « nous voulons que cela se voie dans le regard, le discours », confie le DG, qui a pris ce parti de mettre en scène des gens de son entourage depuis plus de cinq ans. Par exemple, « Clémentine [la freerideuse] ouvrait notre spot TV il y a trois ans. Elle est quasiment dans toutes nos publicités TV. Elle est la signature de notre communication », illustre Aymeric de Rorthays. L’histoire la plus insolite est celle de Maxime, client depuis quarante ans, passé en boutique au moment où la question du casting se posait… Une courte biographie de chacun et ses liens avec le distributeur sont, d'ailleurs, racontés sur le site.

Un sage rassurant

Cette prise de parole est née aussi de la nécessité de réaffirmer sa place sur un marché qui, notamment avec l’avènement du digital, s’est beaucoup diversifié. « Le Vieux Campeur a trois types de concurrents : les gros acteurs de la distribution du sport (Decathlon, Intersport, Go Sport…), des pure players hybridés [également présents en physique] comme Ekosport et Snowleader, deux sites référents, et enfin des magasins mono-produit, par exemple sur le running, en plein essor », dépeint Rodolphe Cadoret. S’y ajoutent « des indépendants au niveau local et de plus en plus les marques, aussi, qui développent des concept stores », complète Aurélien Colin. Toutefois, Au Vieux Campeur garde un rôle de pionnier : « Ils ont été les premiers à se positionner comme des magasins très spécialistes avec des vendeurs pratiquant les disciplines en question », rappelle-t-on chez Codezero.

Pour se différencier, Au Vieux Campeur peut aussi compter sur son image. « Elle est rassurante à tous égards : le nom, l’image derrière le nom (un vieux sage), les vendeurs experts, la prise en compte de la seconde vie des produits… », énumère Rodolphe Cadoret, avant de poursuivre : « Il y a peut-être un côté légèrement poussiéreux, mais il n’est pas sûr que ce ne soit pas volontaire car cela leur retirerait peut-être une partie de leur singularité. C’est habile : ils arrivent à garder leur territoire sans se faire corrompre par le modernisme galopant », développe-t-il. « Leur image traditionnelle est associée au Club Alpin Français mais maintenant beaucoup plus de jeunes viennent chercher du matériel technique, remarque Aurélien Colin. Une clientèle plus regardante sur les valeurs, les prix, la disponibilité des produits… Y trouvera-t-elle son compte ? »

En parallèle, la communication du Vieux Campeur s’est adaptée, même si l'entreprise avait eu des difficultés à se convertir au digital. Une équipe de cinq à six personnes travaille en interne sur le sujet. Un tournant a été pris il y a trois ans : « Avant, nous nous limitions à des campagnes institutionnelles dans la presse spécialisée. Depuis 2020, nous faisons davantage de publicité car il a été possible pour la distribution de communiquer à la télévision. Ce média permet de faire rêver, passer un message esthétique, toucher plus large », relate Aymeric de Rorthays. Qui dit publicité renforcée dit budget adapté. « Notre budget communication a doublé en trois ans, entre 2020 et 2023 », indique-t-il.

Chiffres clés

450 Nombre de collaborateurs du Vieux Campeur.

12 Nombre de villes de présence, à travers une cinquantaine de magasins dont la moitié à Paris.

165 millions d’euros HT Chiffre d’affaires pour 2022, dont 35 % est réalisé dans les boutiques parisiennes, 7 à 9 % via Internet – et 99 % en France.

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